Expositions

08. Brochures touristiques

Exposition référente: La Littérature comme document. Les Écrivains et la culture visuelle autour de 1930

 

Le document nourrit la littérature : la documentation fournie par les brochures touristiques est une source d’inspiration littéraire pour André Beucler

 

Montage photographique de brochures touristiques de la collection André Beucler (Belfort, France)Écrivain et journaliste français, André Beucler a collectionné des centaines de « brochures de voyage » et a expliqué cette fascination dans « Invitations aux voyages », article publié dans Arts et métiers graphiques en 1932[1]. Ces prospectus qui vantent, dans toutes les langues, les beautés des villes toscanes, flamandes ou russes, de la Grande Bretagne ou de la Côte d’Azur sont pour lui « le plus bel album que l’on puisse rêver » et offrent un « panorama du monde » qui nourrit une « poésie de l’évasion »,[2] qui est la sienne, mais aussi celle de son temps.

Comme Paul Éluard ou Louis Chéronnet qui défendent à la même époque la valeur littéraire de la photographie populaire en faisant l’éloge de la carte postale, André Beucler estime qu’il faudra bien un jour « ranger dans un genre littéraire ou dans quelque famille poétique » ces documents qu’il attribue à des « Anonymes du XXe siècle ».[3] Il propose même, comme serait capable de le faire Léon-Paul Fargue selon lui, d’écrire un poème à partir de la juxtaposition d’informations et de chiffres,[4] de ces documents visuels et de ce graphisme novateur.

« Invitations aux voyages » : sous ce titre baudelairien, c’est en réalité l’esthétique moderniste et l’enthousiasme pour l’exploration du monde qu’exprime Beucler. Son « aventure dans les images » rappelle Cendrars qui affirme connaître « tous les horaires / Tous les trains et leurs correspondances »[5] (Le Panama) ou le goût d’Apollinaire pour « les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut »[6] (Zone). La collection d’André Beucler fait aussi écho aux propos d’André Billy qui dans Les Soirées de Paris admire les « catalogues, les affiches, les réclames de toutes sortes » qui font jaillir la « poésie de notre époque ».[7]

 

[1] André Beucler, « Invitations aux voyages », Arts et métiers graphiques, n° 28, 15 mars 1932, pp. 16-26.
[2] Ibid. p. 16.
[3] Ibid. p. 21.
[4] Ibid. pp. 20-21.
[5] Cendrars, Le Panama 1913-1914, Du monde entier, Gallimard, « Poésie », 1993, p. 52.
[6] Apollinaire, « Zone », Œuvres poétiques, Gallimard, « Pléiade », 1965, p. 39 et sq.
[7] André Billy, « Comment je suis devenu poète », Les Soirées de Paris, n° 9, 1912, pp. 276-280.

 

Pistes bibliographiques
Françoise Denoyelle, « Arts et Métiers graphiques. Histoires d’images d’une revue de caractères », La Recherche photographique, n° 3, décembre 1987.
Anne McCauley, « En dehors de l’art. La découverte de la photographie populaire », Études photographiques, n° 16, mai 2005, pp. 51-73. En ligne.
Dans le site que Roland Beucler consacre à André Beucler, voir la section de la bibliothèque qui concerne les voyages.

 

Anne Reverseau