Expositions

09. Manuscrit d’inspiration publicitaire

Exposition référente: La Littérature comme document. Les Écrivains et la culture visuelle autour de 1930

 

L’écrivain producteur de documents publicitaires : quand la littérature se met au service de la réclame

 

Pierre Mac Orlan, texte publicitaire pour le « Bal des petits lits blancs » (1935), publié dans Cahiers Mac Orlan, n° 8, 1995 (reproduit avec la permission du Comité Pierre Mac Orlan (LINK http://www.comitemacorlan.com/fr/) et des Archives Mac Orlan (Saint-Cyr-sur-Morin). (LINK http://www.marne-et-morin.com/musees_expos/mac-orlan.html))Ce brouillon de Mac Orlan est un texte destiné au catalogue du programme du Bal des petits lits blancs, bal organisé par Le Jour, le mardi 4 juin 1935, au Cercle Interallié de Paris. Pour ce traditionnel gala mondain de bienfaisance, le romancier, poète, journaliste et critique Mac Orlan propose un petit récit dans lequel il loue le Bal des petits lits blancs dont il a écouté les bruits de la fête à distance, à la radio : « En tournant un bouton, je suis entré en contact, pour la première fois, avec les bienfaisantes lumières du Bal des petits lits blancs ».[1]

Ce manuscrit fait partie d’un ensemble de contributions de ce genre, comme une publicité pour Le Bar du soleil à Deauville,[2] un texte pour le gala de la légion étrangère au Bœuf sur le toit (8 juillet 1946) ou, plus poétique, Le Printemps, sous le signe du Blanc, un conte féerique qu’il rédige pour le compte de la Grande Maison de Blanc de la place de l’Opéra en 1930. L’industrie florissante est alors celle de l’automobile, pour laquelle Mac Orlan va rédiger deux publicités : « Alfred Ou la vie sentimentale et honnête d’une conduite intérieure bleu azur » est une plaquette éditée par la Raffinerie de Pétrole du Nord (Bruxelles, vers 1930), dans laquelle c’est la voiture qui a la parole et dit « Je », même procédé utilisé à la même époque par Bontempelli dans son roman commandé par Fiat. Plus développé, Usines et paysages, plaquette éditée par Peugeot en 1934 est un reportage subjectif relatant les impressions de Mac Orlan au volant d’une « 301 »[3] et est illustré par l’auteur lui-même.

Mac Orlan ne fait pas que pratiquer : dans son article « Graphismes »,[4] en 1929, il a aussi défendu la beauté de la publicité et son utilisation dans le monde littéraire dans « La Publicité littéraire » paru dans Le Crapouillot en 1927. Mac Orlan défend la publicité comme il défend la photographie,[5] le cinéma et le phonographe, en « évangéliste »[6] de la technique, pour reprendre l’expression de Francis Lacassin. Il est, comme bien des poètes de l’époque, estime Michel Décaudin, « fasciné par la multiplication des moyens de communication ».[7]

Mac Orlan n’est pas le seul à s’intéresser à la publicité en France autour de 1930 : on peut également citer le cas de Blaise Cendrars qui a rédigé à la fin des années 1920 « Texte pour un magasin d’Art décoratif, Paris, 1927 » et « Texte pour un bijoutier, Paris, 1928 ».[8] Ces deux essais sont des illustrations du rapprochement entre poésie et publicité qu’il prêche dans son fameux texte « Publicité = Poésie »[9] publié en 1927. Dans ce texte, Cendrars loue la force poétique et le lyrisme de la publicité qui gagnerait à faire davantage appel aux poètes. D’autres auteurs défendent la publicité, parfois au nom de l’esthétique urbaine, comme Fargue qui publie « Salut à la publicité »[10] dans une revue qui a beaucoup œuvré pour la reconnaissance de la publicité, Arts et métiers graphiques.

 

[1] Cahiers Mac Orlan, n° 8, 1995, p. 62.
[2] Publié dans un album collectif 15 avril 1930, repris dans ibid., p. 35.
[3] Ibid., pp. 50-61.
[4] Mac Orlan, « Graphismes », Arts et métiers graphiques, n° 11, 15 mai 1929, pp. 645-652.
[5] Voir à ce sujet les textes critiques de Mac Orlan recueillis par Clément Chéroux, Pierre Mac Orlan : Écrits sur la photographie, Paris, Textuel, 2011.
[6] Francis Lacassin, « Mac Orlan évangéliste de la publicité », Les Cahiers Pierre Mac Orlan, n° 8, 1995, pp. 8-9.
[7] Aspects de Pierre Mac Orlan (1882-1970), Cahiers du C.E.R.C.L.E.F., n° 1, 1er semestre 1984, Créteil, Université Paris XII-Val de Marne, p. 6.
[8] Michel Décaudin, « Cendrars et la publicité », in La Fable du lieu. Études sur Blaise Cendrars, Monique Chefdor, ed., Champion, 1999. Les deux essais publicitaires sont commentés par Michel Décaudin.
[9] Cendrars, « Publicité = Poésie », in Aujourd’hui, 26 février 1927.
[10] Fargue, « Salut à la publicité », in Arts et métiers graphiques, n° 45, 15 février 1935, pp. 5-8.

 

Pistes bibliographiques
­Les Cahiers Pierre Mac Orlan, n° 8, « Vive la publicité », St-Cyr-sur-Morin, Comité des amis de Pierre Mac Orlan, Le Dilettante, 1995.
Laurence Guellec et Françoise Hache-Bissette, ed., Littérature et Publicité. De Balzac à Beigbeder, Marseille, Editions Gaussen, 2012. Actes de colloque.
Myriam Boucharenc, « Publicité sous influence ou du document comme littérature », in La Licorne, « Littérature et document autour de 1930. Hétérogénéité et hybridation générique », A. Reverseau, S. Bonciarelli and C. Van den Bergh, ed., Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014.

 

Anne Reverseau