Expositions

11. Typo/graphisme

Exposition référente: La Littérature comme document. Les Écrivains et la culture visuelle autour de 1930

 

La typographie au service de la littérature (et inversement)

 

Arts et Métiers Graphiques, numéro 17 (1930), page 78. (KU Leuven Bibliothèque Centrale)Créée en 1927 et publiée de manière bimensuelle jusqu’en 1939, Arts et Métiers Graphiques est une revue de grand luxe (et de grand format : 31 x 24,5 cms) publiée à l’initiative de la firme typographique Deberny & Peignot. Destinée à un public de bibliophiles et de professionnels (imprimeurs, collectionneurs, libraires, bibliothécaires), le magazine avait un but à la fois culturel et commercial. D’une part, Arts et Métiers Graphiques se donnait pour ambition d’informer le public des évolutions récentes, souvent rapides et spectaculaires, dans le domaine des métiers du livre et de l’impression, et sa visée ici était résolument internationale. Le programme esthétique et idéologique adopté par la revue était moderniste (fonctionnaliste), sans pour autant être d’avant-garde. Arts et Métiers Graphiques se pensait comme fer de lance d’une seconde « Renaissance » de l’art typographique, mais cette position était tout sauf nostalgique, comme le prouve l’invention du caractère BIFUR. D’autre part, la revue servait aussi de vitrine aux produits et savoir-faire de la firme, qui s’appuyait sur cette publication pour montrer, à la manière des arts poétiques, ce qu’elle était capable d’offrir à ses clients, notamment sur le plan des reproductions photographiques. La revue a non seulement accordé une grande place aux révolutions de la photogravure dans ces années-là (dont un célèbre numéro spécial sur la photographie de 1930), elle a également pris l’initiative d’une collection de livres photographiques, ouverte en 1933 par Paris de Nuit de Brassaï. Chaque numéro d’Arts et Métiers Graphiques offrait un mélange d’articles (actualités, analyses, réflexions) et de publicités, mais toutes les pages faisaient l’objet d’un même soin typographique. Publiée à l’âge d’or des grands hebdomadaires illustrés (Arbeiter Illustrierte Zeiting en Allemagne, VU en France, LIFE aux États-Unis), et du moins jusqu’en 1935, quand la revue perd beaucoup de son élan artistique et idéologique, Arts et Métiers Graphiques occupe une position clé, entre journalisme et création, entre innovation et sens de la tradition, entre art et commerce.

La page 78 du numéro 17, qui date de l’époque la plus effervescente de la revue, est une belle illustration de l’éclectisme moderniste d’Arts et Métiers Graphiques : page publicitaire, reprenant quelques couvertures récentes, elle acquiert aussi une fonction d’anthologie-minute, qui juxtapose plus qu’elle ne sélectionne, et une valeur artistique, par le souci de la composition en grille. Ni article, ni compte rendu, la page arrive néanmoins à donner une idée de l’état contemporain de la typographie française en 1930.

 

Pistes bibliographiques
Françoise Denoyelle, « Arts et Métiers Graphiques. Histoire d’images d’une revue de caractères », in La Recherche photographique, n° 3, 1987, pp. 7-17.
Alain Fleig, Naissance de la photographie comme média (en France dans les années trente), Neuchâtel, Ides et Calendes, 1997.
Danielle Leenaerts, Petite histoire du magazine « Vu » (1928-1940). Entre photographie d’information et photographie d’art, Bruxelles, Lang, 2010 (surtout p. 101 et p. 319).

 

Jan Baetens