Expositions

12. Têtes d’écrivains

Exposition référente: La Littérature comme document. Les Écrivains et la culture visuelle autour de 1930

 

Circulation de documents littéraires : le portrait d’écrivain est un document visuel qui accompagne la diffusion de la littérature

 

Constant Van Wessem, Twintig Noord- en Zuid-Nederlandsche verhalen, Utrecht, Bijleveld, 1930 (KU Leuven Bibliothèque Centrale)L’écrivain a toujours été matière à portrait et, si la peinture a longtemps été le support privilégié, les inventions successives de la photographie, puis du cinéma et de la télévision, ont constitué les jalons de l’essor des images de l’écrivain au XXe siècle. En 1930, le portrait d’écrivain, dessiné, peint ou photographié, est un élément incontournable de la vie littéraire. Si les revues littéraires tournent encore largement le dos à l’image en 1930, on trouve des exceptions notables, comme Variétés en Belgique, dont les cahiers photographiques comportent de nombreux portraits d’auteurs, ou, en France, Les Nouvelles littéraires , avec les fameuses caricatures d’écrivains « croqués » par P.E. Bécat et Carlo Rim. Les portraits d’écrivains sont plus présents dans les magazines et les revues généralistes, par exemple dans L’Illustration, Vu ou encore Jazz pour le domaine français. Le portrait d’écrivain y a une fonction illustrative du texte littéraire et du discours critique et devient un véritable « paratexte photographique »[1] selon l’expression de Paul Léon.

Mais ces portraits ont aussi une importante fonction patrimoniale, on le voit dans la façon dont ils circulent, partout en Europe, dans les almanachs, les anthologies, les dictionnaires d’auteurs et bien sûr les manuels qui accompagnent la démocratisation de la littérature dans l’entre-deux-guerres. Pour le domaine néerlandophone, on peut citer Boekzaal der geheele wereld, très illustré, le Letterkundige Almanak voor Vlaanderen publié à Amsterdam ou encore l’ouvrage de vulgarisation de Constant Van Wessem, Twintig Noord- en Zuid-Nederlandsche verhalen.

« J’aime mieux voir une photographie de Conrad sur la passerelle d’un cargo que de lire un jugement que l’on m’impose en caractères d’affiche sur son dernier ouvrage. […] Des photos bien choisies, plus émouvantes que le livre lui-même, me paraissent la seule force de publicité qui puisse agir en ce moment. »[2]

1930 constitue ainsi un tournant : la littérature est massivement entrée en interaction avec l’univers de l’image. Qu’ils le veuillent ou non, les écrivains auront à composer avec cette situation nouvelle : accepter ce document, le refuser, le contredire, le détourner, etc.

 

1] Paul Léon, « L’écrivain et ses images, le paratexte photographique », in Littérature et photographie, Liliane Louvel, Danièle Méaux, Jean-Pierre Montier & Philippe Ortel, ed., Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2008, pp. 113-126.
[2] Pierre Mac Orlan, « La publicité littéraire », in Le Crapouillot, Noël 1927, pp. 67-69, repris dans Cahiers Pierre Mac Orlan, n° 8, 1995, pp. 15-17.

 

Pistes bibliographiques
Adeline Wrona, Face au portrait. De Sainte-Beuve à Facebook, Paris, Hermann, 2012.
Myriam Boucharenc, « La figure de l’écrivain dans Les Nouvelles littéraires des années vingt », Les Nouvelles littéraires : une idée de littérature ?, Fabula, 2012, en ligne  http://www.fabula.org/colloques/document1458.php).
Interférences littéraires/Literaire interferenties, nouvelle série, n° 2, « Iconographies de l’écrivain », Nausicaa Dewez & David Martens, ed., mai 2009, en ligne ( http://www.interferenceslitteraires.be/nr2).
Image & Narrative, vol. 13, n° 4 : « Figurations de l’écrivain en images / Figurations of the writer in image », David Martens & Anne Reverseau, ed., 2012, en ligne (http://www.imageandnarrative.be/index.php/imagenarrative/issue/current).

 

Anne Reverseau