Expositions

21. Revue littéraire

Exposition référente: La Littérature comme document. Les Écrivains et la culture visuelle autour de 1930

 

La revue littéraire comme document qui illustre les débats esthétiques et politiques sur le roman, la littérature et les arts, moyens de documenter le réel

 

Occidente, Roma, Edizioni d’Italia, Couverture dessinée par Vinicio Paladini, (D.R.), 1932-1935Si l’ensemble du XXe siècle peut être considéré comme le siècle de la revue littéraire en Italie, les années 1930 constituent plus précisément la décennie de la revue littéraire. Les années pendant lesquelles le consensus autour du régime fasciste se resserre voient fleurir des revues littéraires et politiques de différents formats et d’une grande variété d’impact et de diffusion. Occidente, avec son soustitre Sintesi dell’attività letteraria nel mondo (Synthèse de l’activité littéraire dans le monde), est l’une d’elles.

Ce magazine moderniste, trimestriel de courte durée – 12 numéros publiés à Rome de 1932 à 1935 – se donnait pour objectif de promouvoir le débat politique et esthétique entre les domaines littéraires et culturels ainsi qu’entre les continents. Son rédacteur en chef était le journaliste et romancier, fondateur de la petite structure Edizioni d’Italia, Armando Ghelardini, qui a su s’entourer de différents écrivains et critiques plus ou moins reconnus. Occidente a accueilli la prose italienne la plus progressiste aussi bien que des articles écrits par des hommes qui étaient au cœur du régime : Corrado Alvaro, Massimo Bontempelli (LINK 2), Mario Puccini, Ennio Flaiano, Umberto Barbaro, Enrico Rocca, Paolo Orano, Corrado Pavolini, Giuseppe Bottai, Anton Giulio Bragaglia, F.T. Marinetti, Salvatore Quasimodo, Elio Vittorini, Federico Tozzi, G.B. Angioletti, Francesco Jovine, apparaissent dans la revue. Pourtant, la censure fasciste a mis fin à la revue en 1935 dans des circonstances tout à fait étranges et mystérieuses.

Bon nombre de débats importants se sont déroulés dans Occidente, allant du roman au corporativisme en passant par la littérature étrangère. Dans le premier numéro d’Occidente, on trouve des traductions de textes d’Aldous Huxley ou de D.H. Lawrence. Ils ont été suivis par d’autres traductions de Franz Werfel, Liam O’Flaherty, Jean Cocteau, James Joyce, Valery Larbaud, Joseph Conrad, William Faulkner, Virginia Woolf, John Dos Passos, Max Beerbohm, Waldo Frank, Hans Canossa, James Cain et Ernest Hemingway.

En ce qui concerne le roman, Occidente s’est placé du côté d’une esthétique réaliste et d’une moralité artistique qui se confondent avec la mission de documentation du réel. Occidente combat l’éloquence et défend la clarté et une prose moderniste contrôlée. Dans l’article d’ouverture de la série, « Considerazioni sul romanzo » (Considérations sur le roman), Umberto Barbaro estime que les artistes doivent être des « individui come tutti gli altri » (individus comme tous les autres) puisque « la vera moralità dell’arte sta nel ricongiungere, ricostringere nelle angustie della quotidianità il lettore » (la vraie moralité de l’art est de rassembler et de maintenir le lecteur dans les angoisses de sa vie quotidienne). Dans l’article Coefficienti nuovi nel romanzo (Nouveaux coefficients dans le roman) du quatrième numéro, Elio Talarico va dans le même sens et ajoute que le roman doit éviter un glissement psychologique en se concentrant sur la construction de formes artistiques. Le romancier doit s’engager dans le monde réel puisque : « Che cosa si aspetta dunque, perché non costruire davvero, subito? » (Qu’est-ce qu’on attend donc, pour construire vraiment maintenant ?).

Le roman est pour ainsi dire la forme artistique qui incarne la modernité parce qu’elle rejette toute errance formelle et solipsistique pour rechercher une étreinte plus forte avec l’objectivité. Comme beaucoup de petites revues du début des années 1930, Occidente s’est aligné sur le jeunisme du régime tout autant que sur les conceptions de l’art comme entreprise collective et du roman comme moyen privilégié de construction et de documentation de la réalité.

 

Pistes bibliographiques
Alessandra Briganti, Occidente e la capitale delle avanguardie in Letteratura italiana contemporanea, a. IX, n° 25 (settembre-dicembre 1988), pp. 1-24.
Francesca Billiani, « Narrative dello spazio e architetture della narrativa dal Decennale della rivoluzione alla guerra d’Etiopia, 1932-1935 », à paraître.
Carla Donati, ed., Occidente (1932-1935). Indice ragionato della rivista, Roma, Ateneo, 1984.

 

Francesca Billiani