Expositions
37. La publicité en contexte
Exposition référente: La Littérature comme document. Les Écrivains et la culture visuelle autour de 1930
Dialogue et interrelation entre publicité et texte littéraire
Mrs Dalloway, roman de Virginia Woolf publié en 1925, raconte une journée de la vie de la protagoniste, Clarissa Dalloway, alors qu’elle décide d’organiser une fête. Le roman entier tourne autour d’associations d’idées, de souvenirs, de jeux temporels et de moments vécus.
Dans l’espace historico-chronologique de l’histoire, un matin de juin à Londres, le monde de la publicité entre dans la narration et dans le contexte urbain qui dans ce roman en particulier était si fascinant pour Virginia Woolf. Dans le ciel de Londres, un avion passe :
« L’avion fit un piqué et remonta en flèche, puis il fit un looping, il replongea, se redressa et, quoi qu’il fasse, où qu’il aille, toujours il laissait derrière lui cette épaisse traînée de fumée blanche qui dessinait dans le ciel des arabesques en forme de lettres. Mais quelles lettres ? était-ce un C ? un E ? puis un L ? Elles ne restèrent stables qu’un bref instant ; ensuite elles se brouillèrent, fondirent et s’effacèrent là-haut dans le ciel […].
“Blaxo”, dit Mrs Coates d’une petite voix étranglée, en regardant en l’air, et son bébé, tout raide et tout blanc dans ses bras, regarda en l’air. “Kreemo”, murmura Mrs Bletchley comme un somnambule ».[1]
La stratégie publicitaire devient possible grâce à un nouvel élément, l’avion, qui constitue un instrument de fascination et d’inspiration littéraire. La publicité ne fonctionne pas ici car la marque n’est pas lisible. Pour cette raison, l’avion devient un spectacle mystérieux à interpréter. Chaque personnage de l’histoire interprète ce slogan de façon différente et l’insère ainsi dans le récit.
Mrs Dalloway est un exemple de la façon dont la publicité peut devenir une source d’inspiration littéraire. C’est un cas de collaboration et aussi d’une interaction linguistique entre publicité et textes littéraires.
Au début du siècle, la littérature est aussi séduite par la magie de la ville, et Joyce, par exemple dans Ulysses, rend hommage au monde de la publicité. Dans Nadja, André Breton décrit Paris comme une ville marquée par les placards et affiches publicitaires. Dans La Liberté ou l’amour de Robert Desnos, la publicité est même l’objet d’une déformation comique et visionnaire.
[1] Virginia Woolf, Mrs Dalloway, trad. Marie-Claire Pasquier, Paris, Gallimard, 1994, p. 84.
Pistes bibliographiques
Francesco Ghelli, Letteratura e pubblicità, Milano, Carocci, 2005.
Leo Spitzer, American advertising explained as a popular art, in Essays on English and American Literature, Princeton, Princeton University Press, 1962.
Jennifer Wicke, Advertising fictions. Literature, advertising and Social Reading, Columbia, Colombia University Press, 1988.
Sarah Bonciarelli