Expositions

26. Reportage narratif

Exposition référente: La Littérature comme document. Les Écrivains et la culture visuelle autour de 1930

 

Les documents visuels rencontrent la narration et forment un portrait de pays fortement subjectif

 

Mario Praz, Penisola pentagonale, Milano, Alpes, 1928, couverture (avec l’aimable autorisation des ayant-droits de Mario Praz[1] et des éditions Alpes)Penisola pentagonale est un reportage sur la Péninsule ibérique écrit par l’essayiste et collectionneur d’art Mario Praz et publié en 1928 aux éditions Alpes de Milan. Le but de l’écrivain est de détruire l’image pittoresque de l’Espagne que les voyageurs français et surtout anglais ont diffusée. Selon Praz, l’Espagne n’est pas exotique mais plutôt « monotona » (adjectif qui reviendra souvent au fil des pages). Ce fil directeur de monotonie est déjà contenu dans le titre du livre et dans l’image de la couverture : le pentagone renvoie à une figure géométrique et par conséquent figée. Aussi le sous-titre, « Pretesti spagnuoli » (prétextes espagnols), se révèle très significatif car Praz semble utiliser son voyage en Espagne en tant que prétexte pour parler d’autre chose et entamer un discours plus général sur l’art et sur la littérature. Comme Fofi l’a souligné, dans la préface de l’édition récente, Praz cherche à parvenir à la vie à travers l’art.[2]

Dans Penisola pentagonale il y a des documents visuels (photographies, gravures, peintures) qui créent un dialogue avec le texte écrit. En montrant souvent des paysages sans personne, les images témoignent d’une grande désolation. L’Espagne de Praz se dévoile comme un pays traversé par la mort et par l’abandon.[3]

Le livre est publié chez Alpes, dans la collection « L’Europa contemporanea » qui cherche à faire comprendre au lecteur italien la situation actuelle de l’Europe. Pourtant, dans ces textes, Praz mêle chronique et invention, sections narratives et parties plus critiques pour aboutir à un reportage qui se définit comme narratif et que l’on pourrait situer entre l’art et le journalisme.[4] Penisola pentagonale est un des premiers exemples du genre du portrait de pays (ou de ville) illustré par la photographie qui va se développer partout en Europe des années 1930 aux années 1960.

 

[1] « Per graziosa concessione degli eredi del Prof. Mario Praz, rappresentati dall’Avv. Antonio Morelli di Roma ».
[2] Goffredo Fofi, Prefazione, in Mario Praz, Penisola pentagonale, Torino, EDT, 1992, p. x.
[4] Pour la notion de « reportage narratif », voir Nicola Bottiglieri, ed., Camminare scrivendo : il reportage narrativo e dintorni, actes du colloque de Cassino, 9-10 décembre 1999, Cassino, Università di Cassino, 2001.

 

Pistes bibliographiques
Enzo Siciliano, Praz e la Penisola Pentagonale, in Mario Praz vent’anni dopo, Franco Buffoni, ed., actes du colloque de Rome-Cassino, 15-18 octobre 2002, Milano, Marcos y Marcos, 2003, pp. 190-198.
Gaia De Pascale, Scrittori in viaggio. Narratori e poeti italiani del Novecento in giro per il mondo, Milano, Bollati Boringhieri, 2001.
Eugenio Montale, Il secondo mestiere, vol. I, G. Zampa, ed., Milano, Mondadori, 1996, p. 275.

 

Thea Rimini