Sophie Jodoin : Toi que jamais je ne termine
Musée d’art contemporain de Montréal
Toi que jamais je ne termine est un portrait du féminin inachevable, voire impossible, tel qu’envisagé par l’artiste québécoise Sophie Jodoin.
Le travail de Sophie Jodoin s’est développé au cours des vingt-cinq dernières années à travers une pratique d’atelier soutenue. Artiste d’une habileté remarquable, elle a réalisé des œuvres marquantes par le biais du dessin, du collage, de la photographie, du texte et de la re-contextualisation d’objets trouvés. Toi que jamais je ne termine s’avère une œuvre charnière dans son parcours, vecteur d’une approche conceptuelle à l’endroit du corps comme sujet et du langage comme matériau.
Cette installation demande à être lue : elle cristallise une image de la femme qui se construit par la juxtaposition des titres de 116 publications achetées par l’artiste sur une période de deux ans dans diverses librairies d’occasions. Chacun est ouvert à son faux-titre, c’est-à-dire à la page qui, contrairement à la couverture ou à la page titre qu’elle précède, ne comporte que l’intitulé de l’ouvrage, sans mention de l’auteur ou de l’éditeur. Suivant ce principe, les livres se chevauchent, formant ainsi un enchaînement de titres qui se succèdent en écho à la structure linéaire du langage écrit. Par son format, son contenu et sa composition en boucle, l’installation engage le spectateur à se déplacer autour de la plateforme, transposant ainsi les modalités même de la lecture sur un plan plus physique, impliquant le mouvement du corps tout entier.
À la lecture de cette frise de titres référant à une litanie de stéréotypes, la femme est énumérée, esquissée, qualifiée. L’œuvre s’inscrit en tant que récit aux lectures multiples et aux visées critiques. Le langage devient ici le matériau qui interroge les manifestations correspondant à une image sociale de la femme, qui traverse le temps jusqu’à aujourd’hui — avec le besoin urgent d’être réécrite et redéfinie.