Paul Éluard, Gérald Cramer, Joan Miró | À toute épreuve
La Fondation Jan Michalski, à Montricher, consacre une exposition à l’un des plus beaux livres d’artiste du XXe siècle: À tout épreuve (1958), fruit de la collaboration entre le poète Paul Éluard (1895–1952), l’éditeur Gérald Cramer (1916–1991) et l’artiste Joan Miró (1893–1983).
Éluard en écrit les poèmes entre 1929 et 1930, au moment où Gala, qu’il a épousée en 1917, prend ses distances et entame une relation amoureuse avec Salvador Dalí. C’est l’heure aussi de la rencontre du poète avec Nusch. Les textes sont publiés aux Éditions surréalistes en 1930, mais ce n’est qu’en 1947, à l’issue d’une entrevue avec Gérald Cramer, que naît le projet d’en faire un livre d’artiste avec des illustrations de Joan Miró.
Séduit par la composition de l’édition de 1914 du poème de Stéphane Mallarmé, Un coup de dés jamais n’abolira le hasard, Éluard répartit ses vers sur les quelque quarante doubles pages d’une première maquette. Cramer, qui assure pas à pas la mise au point du livre, lui donne toute latitude pour fixer l’importance de la typographie et son emplacement. À partir de leurs indications, Miró conçoit l’idée d’en faire une sculpture polychrome autant qu’un livre. Ayant découvert les xylographies de Paul Gauguin chez Gérald Cramer et trouvant de l’inspiration dans les estampes japonaises, il fait alors le choix de la gravure sur bois. Au total, ce sont 233 bois qui sont taillés, « sculptés », imprimés en couleur, et forment avec les poèmes autant de paysages de mots et d’images.
Les lettres envoyées par Miró à Cramer témoignent d’un long processus de création et de réalisation. Le livre paraît en 1958. Tiré à 130 exemplaires, il est présenté pour la première fois à la Galerie Berggruen, à Paris, la même année.
En collaboration avec la Fundació Joan Miró, qui lui a consacré une exposition en 2017, la Fondation Jan Michalski raconte à son tour l’histoire de ce livre d’artiste majeur à travers un ensemble de correspondances, de photographies, de matrices et les six maquettes conservées. Quatre exemplaires de l’édition originale permettent d’en contempler toutes les pages.