La Maladie du Sens
Du 19 septembre au 30 novembre 2024, URDLA présente La Maladie du Sens, exposition monographique et ambitieuse d’Anne-Lise Broyer pour un dialogue de la gravure et de la photographie.
S’emparer d’un récit pour fabriquer des images se révèle une approche nécessaire dans le travail d’Anne-Lise Broyer. Après une longue expérience du côté de Georges Bataille, la plasticienne se saisit de La Maladie du Sens (2001, Éditions P.O.L.) de Bernard Noël. Proche de la plasticienne, mais également de URDLA, qui l’édita à plusieurs occasions, Bernard Noël propose un texte étonnant : portrait détourné de Stéphane Mallarmé (1842- 1898) du point de vue de son épouse. Un texte qui parvient selon l’artiste : « à restituer l’un et l’autre, depuis l’intérieur des sentiments et de la langue, dans un jeu très grave où s’échangent la chair des mots, leur sonorité et leur sens. »
Car c’est bien Mallarmé qui fait matrice de cette expérience comme d’une traversée de sa vie et de son œuvre par l’image. De Bernard Noël, elle puise davantage une méthode, un dispositif : « parler à l’intérieur de langue ». Il s’agit de tenter de rendre visible la bas- cule de la pensée vers l’écriture.
Ce travail, loin d’être un simple reportage photographique, se conjugue à celui de l’image imprimée. En découle une production d’images complexes, qui mêle la taille-douce(impression de gravures sur cuivre), imprimée sur tirages argentiques et papier photographiques. Des images qui se veulent pour Anne-Lise Broyer : « Dans une esthétique très minimaliste proche des films de Dreyer, dans un dénuement du motif comme les peintures d’Hammershøi empêchant toute bavure de l’expressivité et de la narrativité, mes images tenteront de rendre compte de son obsession d’un ajustement de la langue dans cette hésitation prolongée entre le son et le sens. Le point de vue sera tournant, tantôt celui du poète, tantôt celui de cette femme qui observe la pensée au travail sans la comprendre. »
La fabrication de telles images conduit la plasticienne à « rejouer la matière photographique ». Au-delà du simulacre et du défi technique de joindre ces pratiques attenantes tant dans leur histoire que leur utilisation. Pour Anne-Lise Broyer, ce frottement des matières vient à traduire la porosité entre les techniques, entre les disciplines qu’elles soient plastiques ou littéraires.
Ce dialogue dans la matière de l’image chemine à la fabrication d’une « écriture par l’image », ainsi tente-t-elle de fabriquer une image comme on écrit un poème. Anne-Lise Broyer s’appuie sur des analogies venues aussi bien de Noël que de Mallarmé qui affirmait que le vers est le « concours de tous les arts suscitant le miracle ». Ce vers spontané, sera creusé au moyen de la pointe, du dessin et de l’appareil. Chaque sillon, chaque creusement a vocation à révéler le « dessous » du visible en révélant l’espace émanant de chaque image.
À URDLA, Anne-Lise Broyer cherche donc à s’emparer d’une impossibilité : celle de tordre la langue de l’estampe pour faire « expérience de la littérature par le regard ». Un travail d’écriture par la matière qui a été récompensé par la bourse Stampa de 2023, un dispositif de l’ADAGP visant à soutenir la création d’œuvres utilisant les techniques de gravure et d’impression. Des œuvres qui nourriront une exposition monographique en résonance avec la 17ème Biennale d’Art contemporain de Lyon Les voix des fleuves, Crossing the water.
URDLA invite à découvrir La Maladie du Sens par Anne-Lise Broyer du 19 septembre au 30 novembre 2024 avec un vernissage le samedi 21 septembre de 14 heures à 18 heures.
Cette série a reçu le soutien de la Bourse Stampa de l’ADAGP.