« Étonne-moi ! » : Parade une histoire de ballet
Adossée au Château de la Bonde, la Maison du Bailli est une belle demeure du XVIIe siècle, bâtie en pierres du pays, au bord de la rivière l’École. Jean Cocteau en fait l’acquisition en 1947 et y aménage son refuge, loin de l’agitation parisienne. « À Milly, j’ai trouvé la chose la plus rare au monde, un cadre », se félicitait Cocteau.
Richement décorée de mobilier baroque, d’œuvres et d’objets insolites chers à Jean Cocteau, la maison se visite tel un cabinet de curiosités, imprégnée de l’atmosphère singulière de ce grand esthète. La maison se compose de pièces de vie (cuisine, salon, chambre et bureau), d’un espace d’exposition et d’un espace pédagogique.
Elle est bordée tout autour de canaux et de magnifiques jardins fleuris et colorés, écrin naturel aux effluves poétiques, où Jean Cocteau prenait plaisir à flâner.
Avec Parade, à l’aube des années folles, une mue s’opère dans le processus créatif de Jean Cocteau. Le point de départ de cette révolution artistique est sans doute le défi que lui lance Serge de Diaghilev : « Étonne-moi ! » En réunissant les imaginaires de Pablo Picasso, Erik Satie et Léonide Massine, Cocteau crée un ballet réaliste qui fera scandale puis deviendra un chef-d’œuvre.
Il imagine un spectacle qui mêle la danse, la peinture et la mimique et qui se déroule devant le décor d’un théâtre forain : un prestidigitateur, un couple d’acrobates et une petite américaine effectuent des prouesses pour convaincre la foule d’y entrer. C’est la parade, et c’est Parade !
Le génie de Jean Cocteau est d’associer les contraires.
Il confie l’écriture de la musique à Satie, qui remplacera la mélodie par des bruits de la vie moderne : coups de revolver, sirènes de pompier et machine à écrire. Picasso, en pleine période cubiste, sera à l’origine des costumes, du décor et du rideau de scène inspiré par la commedia dell’arte. Léonide Massine, admirant Cocteau pour sa perception de la danse, accepte ses suggestions et prend le rôle du Chinois. Ce ballet est une poésie gaie et expressive, qui transmet la volonté de son créateur de rapprocher l’art qui sublime et la vie qui abîme. Pour la première fois, la réalité quotidienne était dansée et mise en scène.
La première représentation qui a lieu le 18 mai 1917 en plein conflit mondial, est très mal accueillie. Le public est scandalisé, et le spectacle vite retiré, la presse s’en prend aux « picassotises » et à la musique « outrageante » de Satie. Malgré tout, il est repris trois ans plus tard et devient rapidement la matrice des ballets d’avant-garde des années 20. C’est à propos de Parade, qu’Apollinaire utilise le terme de sur-réalisme pour la première fois. L’exposition, présentée sous forme de panneaux et de vidéos du spectacle, sera itinérante à partir de novembre 2022.