CENTENAIRE DE FRÉDÉRIC DARD — Tu vas trinquer, San-Antonio
« Frédéric Dard, à travers le personnage puis la signature de San-Antonio, fait partie des plus gros succès de l’édition française d’après-guerre. Parallèlement aux immenses tirages des aventures désopilantes de San-Antonio, l’auteur boulimique n’a cessé d’écrire des romans, généralement policiers, plus sombres et tourmentés, ainsi que des pièces de théâtre et des scénarios de films.
Alors que Bérurier, Marie-Marie, Pinaud ou Jérémie Blanc faisaient partie de la famille de centaines de milliers de lectrices et lecteurs qui les retrouvaient plusieurs fois l’an, Frédéric Dard semble, à l’heure du centenaire de sa naissance, perdu de vue ou passé de mode, en particulier en Belgique et chez les plus jeunes. Sa littérature populaire serait-elle datée, inapte à traverser les époques ? Mais s’agit-il de littérature populaire ? L’écrivain ne se rangerait-il pas aux côtés de Rabelais, Céline et Audiard ayant mis en littérature un certain parler populaire, à vrai-dire truffé de références érudites, qui fait jubiler des intellectuels en vacances davantage qu’il ne s’adresse au dit peuple ? Bien que traduit et diffusé aux quatre coins du monde, San-Antonio serait-il trop franchouillard pour plaire au lectorat belge francophone qui entretient des rapports particuliers avec ses voisins d’Outre-Quiévrain ?
À hauteur de ses moyens, restreints par la situation actuelle, la Maison du Livre de Bruxelles souhaite remettre à l’honneur et en résonance ou dissonance avec l’époque actuelle, sa langue verte et pas piquée des vers, ses enquêtes prétextes à digressions humanistes ou misanthropes, ses acolytes insolites et alcooliques, ses clichés policiers et polissons, avec le sexisme et le racisme du genre… Au-delà de ces facéties et facilités, son inventivité langagière, les libertés qu’il prend avec la langue française pour lui donner une nouvelle jeunesse et tordre le cou à l’Académie, offrent matière et prétexte à poursuivre des débats très contemporains, des codes du hip hop à l’écriture inclusive.
Cette exposition, mêlant pédagogie et bibliophilie, permet de découvrir l’immensité de la production dardienne : 288 romans dont 174 aventures du commissaire San-Antonio, des romans plus sombres et des délirades romancées, des dizaines de pseudonymes, vingt pièces de théâtre, des scénarios de films, une activité journalistique… Elle montre également combien ses écrits ont imprégné la culture de son temps, qu’il s’agisse du cinéma, de la bande dessinée ou de la musique. »