Entretiens

Relier ou pas, Histoires délivrées. Reliés ou pas, Histoires de livres. Entretien avec Ianna Andreadis et Louise Marie Cumont, artistes et commissaires.

Fondation La Fondation La Ruche-Seydoux & Galerie L’avis de passage

Livres uniques, éditions limitées, livres édités, livres d’artistes, catalogues et autres œuvres ayant pour sujet le livre… Deux expositions sur le livre d’artiste se font écho à Paris jusqu’au 29 octobre. Entretien à trois voix.

Laurence le Guen L’exposition est double et installée dans deux endroits. Pourriez-vous les présenter ?

Ianna Andreadis Ce sont deux expositions différentes autour du livre d’artiste et pourtant elles possèdent de nombreux points communs. Louise-Marie Cumont et moi-même, Ianna Andreadis, sommes artistes et le livre est au cœur de notre travail. Nous avons également été membres de l’Association des  Trois Ourses..

La Fondation La Ruche-Seydoux  est un lieu historique créé par le sculpteur Alfred Boucher en 1902 où ont travaillé Chagall et Modigliani. Depuis sept ans il accueille un espace d’expositions, consacrés aux artistes de la Ruche et il géré par l’association des artistes. J’y ai également mon atelier.

Louise-Marie Cumont L’exposition est installée dans ma galerie L’avis de passage  installée  dans le Marais. C’est à la fois un atelier de travail et une galerie où j’organise régulièrement des expositions de mon travail, celui du sculpteur et peintre Roland Roure, mon mari, des expositions de peinture ou de sculpture, des hommages à des artistes, des événements autour du livre ou des artistes. C’est un lieu où le livre prend toute sa place et où se développent tous les liens qu’il crée.

LLG Comment est venue l’idée de cette double exposition ?

IA Nous avions depuis longtemps toutes deux l’envie de concevoir une exposition sur le livre d’artiste. Nous avons voulu les jumeler et les faire dialoguer. Louise Marie a eu l’idée de cette variation de titre qui crée un dialogue entre les deux espaces.

Faire des livres est essentiel dans mon travail. Ce sont des expositions portatives de poche, comme dit Bernard Plossu, et c’était  l’occasion rêvée d’inviter les artistes amis à participer ou à être présents à travers leurs livres. Au début, j’imaginais une exposition uniquement de livres uniques, d’éditions limitées, d’artistes avec qui j’ai des liens. Ensuite j’ai décidé d’élargir à des artistes dont les peintures, dessins, estampes ou photos ont comme sujet le livre. J’avais envie de partager ma passion du livre mais aussi de rassembler les artistes avec lesquels j’ai des liens en les invitant à exposer à la Ruche et en les associant à des artistes importants, pour les relier entre eux,. Il me plaisait aussi de  « jouer » à la libraire ou au muséographe en les présentant sur les tables.

LMC –  Le leporello de Michel Dave du Centre La Pommeraie en Belgique m’a inspiré l’affiche et le titre de l’exposition : histoires délivrées.

LLG  Quels  soutiens avez-vous reçus ?

IA Ce ne sont pas des expositions qui coûtent cher … De mon côté, j’ai le soutien de mon éditeur grec, les éditions Agra. Les livres viennent de ma collection. Certains m’ont été prêtés par les artistes. J’ai aussi eu le prêt d’œuvres de Pierre Alechinsky et de Pierre Buraglio de la galerie Catherine Putman. Des amis artistes m’ont prêté des vitrines et des tables. Ce sont des expositions avec un minimum de frais, sans frais de transport ni assurance.

LLG Qu’avez-vous choisi de montrer  ?

IA La Ruche accueille une grande photographie d’une installation de Jakob Gautel,  La tour de Babel, mais aussi une lithographie de Pierre Alechinsky Sous l’œil et La plume de Jacques Putman qui présente des leporello, une peinture de Jean-Philippe Delhomme, une nature morte avec deux livres de Gilles Aillaud, des estampes de Pierre Buraglio, sa série de couvertures de livres de La comédie humaine de Balzac, un dessin d’Ernest Pignon Ernest, des œuvres numériques de Nelly Maurel, des portraits d’écrivains de Spyros Staveris  des photos de lecteurs d’Eric Laforgue…

Il y a aussi les livres uniques d’Himat avec des textes d’Adonis, des Atlas peints de Bogdan Pavlovic, des éditions limitées en lithographie de Paul Cox, Jan Voss .., des livres avec des gravures  de Florence Christakis, des livres en cyanotypes d’Eva Aurich, des éditions de Manolis Charosn, des pop-up de Jason Karaindros et de Corinne Véret- Colin. Mon travail est présent avec mes photos de la série In-folio, des éditions limitées, des livres photos, des photos ou de dessins… Plus de 80 artistes sont présents dans l’exposition à travers leurs livres …  Chaque livre est une mini-exposition portative. Chaque livre est un univers à lui seul.

LMC A la galerie, vingt-deux artistes et un collectif de cinq brodeuses sont exposés. Il y a notamment 5 œuvres d’Edward Baran, une très joyeuse au mur, quatre livres en vitrine ainsi que le catalogue de son exposition au musée des beaux-arts d’Angers. L’artiste américaine Barbara Mauriello  fait le lien entre nos deux expositions et  présente quatre livres uniques dont 2 almanachs peints au pochoir repris d’un modèle datant du XVème. J’ai invité Marion Bataille  qui e présente trois leporellos originaux vues/lues, collection de cartes postales transformées en abécédaire. L’exposition accueille également  les variations repeintes de Roland Roure sur les épreuves d’un livre édité en Allemagne ainsi que des liseuses et lisseurs en tôle découpée.

LLG Quels choix de scénographique avez-vous opérés ?

IA L’espace de La Ruche est grand. Dans la première pièce, j’ai installé une grande table avec les livres uniques  et quatre vitrines pour les éditions limitées ou rares. Dans la deuxième salle, les livres sont présentés sur des tables, en petites piles de deux ou trois ouvrages par artiste. Il y a une petite étagère dont je change régulièrement l’agencement  en créant de nouvelles associations. J’aime  varier la mise en avant les artistes.

LMC La grande pièce rectangulaire de la galerie accueille une grande diversité des contenus. Il y a des œuvres accrochées et des œuvres dans des vitrines placées le long des murs. Il y a aussi des sculptures de Roland Roure. Emmanuelle Carraud et Anaïs Beaulieu sont représentées par leurs broderies. Anaïs Beaulieu expose quatre de ses sacs en plastique brodés de végétaux et son livre édité chez Tarabook, A stitch out of time. Je présente une de mes séries de photographies ainsi que quelques livres en tissu, Larmes, quelques masques et mes derniers petits livres d’empreintes :Tragopogon/Salsifis. Léa Valentin expose dans une des caves trois œuvres entre sculpture et dessin, exploration spatiale et temporelle du livre. Coline Irwin donne à voir un recueil de photos A perte de liens et Marie-Noëlle Gonthier son Livre d’heures II qui réunit 12 estampes digitales. René Moreu accompagne Guillevic dans Le coucou n°2.

J’ai fait le choix de renoncer à certaines œuvres, certains artistes, pour ne pas saturer l’espace. J’aime que cela respire.

LLG Les  visiteurs peuvent-ils toucher les ouvrages ?

IA A La Ruche, les livres sont posés sur le tables et les visiteurs les touchent ! Certains sont à manipuler avec précaution et nous proposons des gants. Certains ouvrages à édition unique, plus fragiles sont placés en vitrine. Les autres, les éditions courantes, sont tout à fait consultables comme dans une bibliothèque ou une librairie. Les gens sont souvent plongés dans les livres qu’ils consultent.

LLG Pourquoi est-elle présentée dans ces dates si courtes ?

IA Toutes les expositions à la Ruche ont cette durée car  nous assurons nous-mêmes la permanence pour les heures d’ouverture, ce qui nous immobilise pendant 10 jours. Cette courte durée assure également  plus de créneaux d’exposition pour tous les artistes.

LMG Concernant la galerie, je pense  prolonger l’exposition en novembre, sur rendez-vous.

LLG Avez-vous envisagé une suite à donner à ce projet ?

IA Pour l’instant, il n’y a pas de suite, mais des rebondissements pourraient avoir lieu. J’aimerais organiser une exposition sur ce thème dans des bibliothèques ou dans ma ville d’Athènes…

LMC En ce qui me concerne, je me dis que j’organiserai des expositions sur le livre d’artistes de façon régulière.

LLG Quelles animations connexes proposez-vous ?

IA La relieuse américaine Barbara Mauriello  a animé un atelier de reliure.  Jeannine Warnod, journaliste et critique d’art, qui avait écrit le livre La Ruche et Montaprnasse en 1930 est venue présenter une biographie de sa mère.  Mark Brusse, artiste à La Ruche, a rencontré également le public. Quelques artistes viennent aussi présenter leurs ouvrages, comme Jill Hartley.

LMC Barbara Mauriello a animé également un atelier  de reliure à la galerie et les artistes présents dans l’exposition sont venus rencontrer le public.


Pour citer cet article:

Laurence Le Guen, « Relier ou pas, Histoires délivrées. Reliés ou pas, Histoires de livres. Entretien avec Ianna Andreadis et Louise Marie Cumont, artistes et commissaires. », dans L’Exporateur littéraire, May 2024.
URL : https://www.litteraturesmodesdemploi.org/entretien/relier-ou-pas-histoires-delivrees-relies-ou-pas-histoires-de-livres-interview-de-deux-artistes-commissaires/, page consultée le 03/05/2024.