Entretiens

Regarde ! 150 ans de livres de photographies pour les enfants à la Maison Doisneau. Entretien avec Laurence Le Guen, commissaire.

Maison de la photographie Robert Doisneau

La Maison de la photographie Robert Doisneau à Gentilly accueille, du 1er mars au 31 mai 2024, l’exposition Regarde ! 150 ans de livres de photographies pour enfants, l’occasion de découvrir un pan méconnu de l’histoire du livre pour enfants. Entretien avec Laurence Le Guen, sa commissaire.

 

 

David Martens Comment est né ce projet d’exposition ?

Laurence Le Guen Ce projet est ancien maintenant. Nous l’avions toi et moi imaginé lorsque nous préparions l’exposition rétrospective consacrée à la photographe Ergy Landau, déjà accueillie à la maison Doisneau en 2022.

Tu connaissais  très bien mon travail puisque tu étais le président de mon jury de thèse. Nous savions que cette production était importante et pourtant mal connue, qu’elle pouvait intéresser aussi bien les photographes que les acteurs de la chaîne du livre, les adultes comme les enfants.

C’est une grande chance que la Maison Doisneau et son directeur Michaël Houlette l’ait acceptée car elle participe du processus de redécouverte de la photolittérature jeunesse et de celle la contribution des maîtres du 8ème art à l’histoire des livres pour enfants

J’ai accumulé pendant mes années de recherche, et j’accumule encore, de nombreux ouvrages photographiques pour enfants, aussi bien des ouvrages du début du XXe siècle que des publications toutes récentes que m’envoient les éditeurs ou les photographes. L’exposition est donc constituée en partie de ma propre collection, d’ouvrages prêtés par des collectionneurs français et étrangers et de livres prêtés par la Médiathèque Sagan et le Fonds patrimonial Heure Joyeuse. Nous n’avons malheureusement pas obtenu le prêt de la BNF pour deux ouvrages de la fin du XIXe siècle, dont un ouvrage soviétique très novateur.

DM Quels principes de présentation des livres as-tu suivis ?

LLG Le projet a évolué au cours du temps. Il devait initialement n’accueillir que des focus sur les catégories d’ouvrages qui composent la photolittérature jeunesse. Finalement nous avons décidé de consacrer deux salles de la maison Doisneau à l’histoire de ces ouvrages. Regarde ! 150 ans de livres de photographies pour les enfants propose donc aux visiteurs de circuler dans une centaine d’ouvrages publiés de 1866 jusqu’à nos jours et permet de découvrir les premiers ouvrages du genre puis l’évolution du livre de photographie jeunesse en Europe et aux Etats-Unis.

Le parcours détaille également sous forme de focus quelques catégories structurantes de la photolittérature pour les enfants : l’imagier, le livre de cinéma, le livre de conte ou encore le  livre  de  voyage et certains ouvrages font l’objet de cartels développés comme The First Picture Book d’Edward Steichen, Le chaperon rouge de Sarah Moon, les imagiers de Tana Hoban.

Ils sont présentés fermés sur des baguettes adaptés à leur taille ou bien ouverts en vitrine. Les murs accueillent des reproductions des pages intérieures des livres.

J’aurais aimé en présenter bien plus mais l’espace de la Maison Doisneau n’est pas extensible. C’est pour cela que certaines collections d’ouvrages ne sont représentées que par l’exposition d’un ou deux titres et nombre d’autres restent dans la réserve de la Maison Doisneau.

DM Quelle est la relation entre ta thèse de doctorat sur la photolittérature jeunesse, le livre que tu en as tiré et l’exposition elle-même ?

LLG Le livre 150 ans de photolittérature pour les enfants, publié aux éditions MeMo est une version grand public de ma thèse.  L’exposition est une sorte de « mise en volume » du livre puisqu’elle propose un parcours chronologique et des zooms sur quelques catégories emblématiques. Les double page reproduites sur les murs sont tirées des images de mon livre.

L’exposition présente, comme dans le livre, des ouvrages européens et des productions nord-américaines, en liens avec les courants pédagogiques nouveaux qui circulent de l’Europe vers les États-Unis dès la fin du XIXe siècle. Nous avons conservé les publications révélatrices des interactions texte-photographie, des publications illustrées de dessins puis de photographies, des ouvrages novateurs qui ont servi d’exemples pour des productions suivantes, des ouvrages qui s’inscrivent dans un réseau autour d’une œuvre, comme le Alice in Wonderland de Suzy Lee, des ouvrages qui ont bénéficié d’une très bonne réception critique, comme Le Ballon Rouge d’Albert Lamorisse ou au contraire ont suscité l’incompréhension ou le questionnement chez leurs lecteurs comme Le chaperon rouge de Sarah Moon, des ouvrages qui témoignent de la production d’une époque, d’un courant idéologique, d’un contexte politique, des ouvrages pour lesquels les archives sont accessibles. Il n’y a  pas de catalogue d’exposition puisque mon livre fait office.

DM La Maison Robert Doisneau se montre depuis des années investie dans le travail avec les publics scolaires. Des activités particulières autour de l’exposition seront-elles organisées avec ces publics, plus directement concernés que jamais ?

LLG L’enfant est pris en compte dans la scénographie même de l’exposition, avec un espace de lecture fait de coussins de canapés de bacs de lecture qui lui permettent de découvrir la grande variété de la production actuelle. Au cours de la visite, des panneaux accueillent des textes adaptés à la lecture des plus jeunes avec une signalétique qui leur est propre. Ils peuvent aussi au cours de la déambulation s’installer sur des fauteuils qui leur permettent de découvrir une réédition d’un ouvrage important de l’histoire de la photolittérature jeunesse ou accéder au contenu des vitrines en grimpant sur des tabourets.

Bien évidemnent le service pédagogique organise comme à chaque exposition des ateliers pour les scolaires.

 

DM L’exposition sera-t-elle amenée à voyager ?

LLG – C’est trop tôt pour le dire. Elle sera en tout cas animée par des conférences, des visites en famille, une nouvelle journée d’étude sur les expositions de la littérature jeunesse le 25 avril qui se terminera par une visite commentée de l’exposition. Elle trouvera aussi une expansion dans la médiathèque de Gentilly avec une exposition autour des imagiers de la photographe Nathalie Seroux.


Pour citer cet article:

Laurence Le Guen, « Regarde ! 150 ans de livres de photographies pour les enfants à la Maison Doisneau. Entretien avec Laurence Le Guen, commissaire. », dans L’Exporateur littéraire, May 2024.
URL : https://www.litteraturesmodesdemploi.org/entretien/regarde-150-ans-de-livres-de-photographies-pour-les-enfants-a-la-maison-doisneau-entretien-avec-laurence-le-guen-commissaire/, page consultée le 02/05/2024.