Entretiens

19/12/2022

Lire l’enfance avec les éditions MeMo. Entretien avec Caroline Lascaux, éditrice.

Médiathèque Françoise Sagan (Paris)

Lire l’enfance avec les éditions MeMo. Entretien avec Caroline Lascaux.

Les éditions nantaises MeMo éditent depuis 1993 des livres d’artistes et d’écrivains pour la jeunesse, qu’ils soient d’hier ou d’aujourd’hui, d’ici ou d’ailleurs. L’exposition Lire l’enfance avec les éditions MeMo qui se tient à la médiathèque Sagan à Paris depuis le 15 novembre et jusqu’au 23 mars 2023, ouvre les festivités organisées pour célébrer leurs trente ans. Entretien avec Caroline Lascaux, éditrice aux éditions MeMo.

 

 

Commissariat : Christine Morault & Hélène Valotteau

Graphisme : Yves Mestrallet & Sandrine Granon

 

Laurence Le Guen – Quelles sont les raisons de cette exposition ?

Caroline Lascaux – Nous donnons notre fonds d’archives au fonds patrimonial Heure Joyeuse depuis 2019 par des dons successifs et c’était l’occasion de célébrer cette entrée. Nous sommes le seul éditeur en activité à déposer ses archives et nous le faisons depuis trois ans. Cette exposition valorise donc nos archives et le fonds que l’Heure joyeuse possède. Le Fonds patrimonial Heure Joyeuse, abrité au sein de la médiathèque Sagan à Paris propose une collection composée de 100 000 documents pour la jeunesse du XVIe siècle à nos jours. Christine Morault, co-fondatrice de la maison, n’a eu de cesse de sensibiliser nos auteurs à ce don au fonds patrimonial qui protège et valorise les œuvres qu’il accueille. D’autre part en 2023, nous fêterons les 30 ans de la maison MeMo et cette exposition est un des évènements liés à notre anniversaire.

 

LLG – Comment opérer un choix dans 30 ans de productions ?

CL – Nous avions effectivement beaucoup de choses à montrer et il a fallu tenir compte de l’espace d’exposition. La solution est venue lors de discussions avec la co-commissaire Hélène Valotteau, responsable du Fonds patrimonial. Christine Morault et Hélène Valotteau ont scindé l’exposition en quatre parties. La première s’intitule « Rééditer des images ». Elle met particulièrement en valeur les débuts de MeMo, qui place l’image au cœur de sa ligne éditoriale. Une seconde partie concerne le compagnonnage avec  L’Association Les Trois Ourses qui a donné lieu à six coéditions, mais aussi à de nombreuses (re)découvertes d’artistes ensuite publiés par MeMo (Louise-Marie Cumont, Remy Charlip, Malika Doray…) La troisième partie est consacrée à l’édition des livres venus d’ailleurs, des classiques comme ceux de Sendak ou des contemporains, des Artistes tchèques d’hier et d’aujourd’hui, américains, coréens, polonais, roumains, brésiliens. La dernière partie est celle de la création contemporaine, pour les tout-petits (Janik Coat, Anne Crausaz, Claire Garralon, Émilie Vast, Kenji Abe, Junko Nakamura…), pour apprendre à compter, à dessiner, à écrire, à rêver (Anne Bertier, Gaby Bazin…), et tout simplement découvrir des traits et univers graphiques singuliers (Mélanie Rutten, Gaya Wisniewski, Ghislaine Herbéra, Nada Matta, Liuna Virardi, Malgorzata Gurowska, Anne Kellens…). Celle-ci tient dans une seule partie mais c’est l’essentiel de notre travail.

Nous voulions montrer ce travail de réédition, comment il infuse notre création contemporaine et nous mène à mettre au point des techniques, de photogravure notamment, qui servent les auteurs contemporains.

LLG – Ces quatre parties sont donc réparties sur quatre espaces distincts ?

CL ­–L ’exposition occupe toute la médiathèque Sagan. La salle d’exposition est consacré au travail éditorial de MeMo, l’entrée de la médiathèque présente des vitrines dédiées à la photolittérature, et de nombreux espaces sont investis à l’étage. La grande salle d’exposition au rez-de-chaussée est un long rectangle qu’il a fallu compartimenter, grâce à des petits retours sur le mur principal pour scinder le lieu en quatre parties.

 

LLG – Comment les œuvres sont-elles donc présentées ? Les visiteurs peuvent-ils lire les livres MeMo lors de leur parcours ?

CL – La salle d’exposition accueille des accrochages de feuilles de passe, tirages, affiches, dessins originaux et également des vitrines qui contiennent des jeux, des objets, dont la fameuse Arche de Noé d’André Hellé, prêtée par Beatrice Michelsen. Une ligne violette tracée au sol guide le visiteur au premier étage dans un espace créatif où petits et grands pourront colorier des images de Walter Crane et Kate Greenaway, consulter et emprunter les ouvrages de notre catalogue ou s’installer pour lire sur des tapis et coussins MeMo ornés de dessins de Gay Wegerif. Il peut également y voir des originaux d’auteurs ou encore les carnets de recherche de Malika Doray.

LLG – Comment avez-vous associé les artistes ou leurs ayants-droits à cette exposition ?

CL – Christine Morault a invité les auteurs de notre catalogue à prêter ou donner leurs travaux préparatoires ou des originaux à l’Heure Joyeuse. La nièce de Françoise Seignobosc, dite Françoise, était heureuse de montrer des originaux de sa tante. À cette occasion, certains auteurs ont découvert la démarche de conservation et de valorisation des archives menée par le fonds patrimonial de l’Heure Joyeuse.

 

LLG – J’imagine que la sélection n’a pas été simple et que vous avez certains regrets de n’avoir pu montrer certains objets ou certaines productions. Ou au contraire très fiers d’en exposer d’autres.

CL – Oui, évidemment, il y a toujours des regrets mais l’espace de la salle d’exposition n’était pas extensible. Nous sommes très heureux d’avoir pu exposer des œuvres peu exposées, comme les originaux de Fredun Shapur, prêtés par sa fille Mira, ou encore l’arche de Noé d’André Hellé. Nous sommes surtout fiers de montrer la diversité de notre travail, de raconter les anecdotes derrière la réalisation de nos ouvrages. En montrant originaux et documents de travail, le public peut saisir tout le travail éditorial entre le premier jet de l’auteur et l’album finalisé. Nous racontons aussi comment nous travaillons sur ces documents historiques, comme lorsque Yves Mestrallet, co-fondateur de MeMo et directeur artistique, s’est rendu en Russie pour travailler avec le petit fils d’Alexandr Rodtchenko.  Et surtout, nous espérons transmettre les émotions ressenties devant les originaux

LLG – Depuis combien de temps préparez-vous ce projet  ?

CL – Cela fait un an que nous y travaillons. Au début il s’agissait de s’imprégner de l’espace, de définir ce que nous voulions exposer. Le plus difficile était de réduire la liste sans négliger des pans de l’histoire de MeMo. Il fallait montrer cette variété de productions, témoigner de l’identité de notre maison mais que cela reste cohérent pour les visiteurs qui ne la connaissent pas forcément.

LLG – Que deviendra-t-elle en mars prochain ?

CL – Grâce à Bibliocité et la ville de Paris, l’exposition trouve des relais dans 23 bibliothèques parisiennes avec expositions et ateliers consacrées à nos auteurs. Nous avons également réalisé un livret de seize pages, dans lequel nous racontons les rencontres qui ont alimenté notre travail. Le dossier de presse permet de présenter les événements annexes à l’exposition comme le colloque de photolittérature « 1 2, 3… Regarde ! La photo, le livre , l’enfant » organisé les 9 et 10 mars à la BnF et à la médiathèque Sagan. Nous avons aussi organisé quelques visites qui permettent de raconter MeMo.

En mars, les pièces réintègreront le fonds de l’Heure Joyeuse et resteront consultables. On peut toujours découvrir notre travail par le biais de l’exposition Avant et Maintenant initiée en 2017 à la bibliothèque municipale de Tours, qui circule et qui tisse des liens entre les artistes d’avant et ceux de maintenant, ou comment les auteurs contemporains se sont nourris, plus ou moins consciemment, des œuvres et esthétiques des créateurs d’hier.

Photographies : © Lucas Poisson, éditions MeMo et ©Laurence le Guen

 

 

 

 

 

 


Pour citer cet article:

Laurence Le Guen, « Lire l’enfance avec les éditions MeMo. Entretien avec Caroline Lascaux, éditrice. », dans L’Exporateur littéraire, Dec 2022.
URL : https://www.litteraturesmodesdemploi.org/entretien/lire-lenfance-avec-les-editions-memo-entretien-avec-caroline-lascaux-editrice/, page consultée le 25/04/2024.