Au féminin. Livres surréalistes 1930-1975
Qui connaît aujourd’hui Aveux non avenus (1930), La Maison de la Peur (1938), Le Journal de Frida Kahlo (1944-54), Dons des féminines (1951), Sur le champ (1967), ou Le Livre de Leonor Fini (1975)?
Toutes ces œuvres hybrides sont le fruit d’une démarche collaborative entre une femme auteur et un.e artiste visuel.le, ces livres dits surréalistes font l’objet de l’exposition préparée tout au long du trimestre d’hiver 2018 par les étudiantes du séminaire « Écrits des femmes: XIXe-XXIe siècles », sous la direction d’Andrea Oberhuber. S’appuyant sur la notion de partage, comme les auteures et les artistes avant elles, Sarah-Jeanne Beauchamp Houde, Anne Borgella, Florence Dubois, Marie Joëlle Essex, Jeanne Hourez, Beth Kearney, Henriette Yaa Koko, Béatrice Lefebvre-Côté, Marianne Martin, Marie Meuleman, Julie-Michèle Morin, Alexe Pilon, Clélia Pulido, Valérie Savard, Sandrine Sibuet et Ludmilla Vekhoff ont œuvré à mettre en lumière la diversité des livres quant à leur conception, à leur matérialité et en ce qui a trait au rapport entre le texte et les images.
Qu’elles aient été publiées dans l’entre-deux-guerres ou dans les années 1970, les œuvres présentées relèvent, de près ou de loin, de l’esthétique du Surréalisme, notamment pour ce qui est de ses valeurs: le merveilleux, l’instinct et la folie, l’enfance et le jeu, l’érotisme, la révolte et la subversion des normes établies, le rêve et la création à quatre mains.
La variable du féminin, au-delà de tout essentialisme, est un facteur important dans notre manière d’appréhender aujourd’hui l’esthétique de ces livres surréalistes mis en œuvre à l’instigation d’une femme auteur qui sollicite un.e collaborateur.trice ou se dédouble en artiste. Ce faisant, elles outrepassent les traditionnelles pratiques de l’illustration, de la reliure et du scrapbooking réservées au genre féminin. Les livres inspirés des valeurs surréalistes nous incitent à nous intéresser aux affinités électives entre les collaborateurs, au partage des tâches dans la conception des rapports texte/image, à la matérialité même du livre. Si le travail collaboratif aboutit à une œuvre en partage, à une identité auctoriale partagée, le livre lui-même constitue une entité artistique unique, aux frontières perméables entre les médiums d’expression. Exposer ces livres, les donner à voir sous vitrine (avec comme point focal une double page emblématique), en leur adjoignant une carte du monde où étaient indiqués les lieux d’origine et les lieux d’émigration des collaborateurs.trices, une projection d’extraits de documentaires consacrés aux créatrices, un mur de citations tirées d’ouvrages critiques sur l’esthétique avant-gardiste, ainsi qu’un buste et une citation flottant dans l’air, le tout accompagné par deux mannequins déguisés selon des codes non genrés, telle était la conception générale de l’exposition « réelle ». Celle-ci s’apparentait par ailleurs, grâce à son emplacement dans un espace intermédiaire (l’atrium de la Bibliothèque des sciences humaines), à une porte battante entre l’arrivée dans un lieu connu de consultation de livres et la découverte de l’inconnu, d’une terra incognita pour nombre de personnes : l’importante place des créatrices au sein du surréalisme et, plus précisément, leur désir de faire œuvre à deux. Une version virtuelle de l’exposition est visible ici sur la plateforme Kunstmatrix.
Cette publication numérique, téléchargeable en version iBook (Apple) ici, en collaboration avec Hugo P. Gladu : elle ouvre quelques fenêtres (que l’on souhaite laisser battantes) sur huit ouvrages, dont quelques-uns ont été mentionnés ci-dessus, en les présentant de manière synoptique, selon les particularités matérielles du livre, la modalité de démarche collaborative et le dispositif texte-image. Des hyperliens permettent d’accéder aux notices biographiques des auteures (Claude Cahun, Leonora Carrington, Lise Deharme, Leonor Fini, Frida Kahlo, Annie Le Brun, Valentine Penrose, Gisèle Prassinos) et des artistes visuel.les (Max Ernst, Leonor Fini, Frida Kahlo, Valentine Penrose, Toyen). Finalement, dans les annexes, sont regroupés des sites d’exposition mettant en vedette actuellement des créatrices surréalistes qui font l’affiche de musées internationalement reconnus, une sélection de sites web portant sur le Livre surréaliste et la littérature, des articles de presse parus à la suite de l’exposition de 2018, un choix de références bibliographiques et des lectures complémentaires.