Carnet de visites

La Famille de Chaperon s’installe au Wolf

Le Wolf. La maison de la littérature de jeunesse (Bruxelles) Commissaire(s): Muriel Limboch

Un lieu dédié à la littérature de jeunesse

Entrer au Wolf, la Maison de la Littérature de Jeunesse à Bruxelles, à « deux pattes de la Grand Place », c’est entrer dans le monde de la littérature jeunesse et cheminer avec curiosité dans plusieurs petits espaces dédiés au genre.  Les visiteurs pénètrent d’abord dans une librairie, la « Boutique du loup », au cœur de laquelle trône le « Juke Box », la cabane à histoires, pour des moments d’écoute et de visionnage de contes. Ils poursuivent leur visite jusqu’à  « La cantine du Chaperon » où ils peuvent déguster un goûter sucré sous l’œil de la mère du Chaperon rouge. Ils vont ensuite s’installer dans la « La Bibliothèque insolite», une salle de lecture qui offre la possibilité de découvrir tranquillement des livres « coups de cœur », et depuis un an, il leur est proposé d’ouvrir la porte et de saluer Freddy le loup et le Chaperon, fraîchement mariés. Au Wolf, de l’entrée jusqu’à l’étage de la maisonnette, le lecteur est plongé dans la marmite de la lecture.

Cette maison est sans doute le clou de la visite. Après tant d’années à se poursuivre dans la forêt, le loup et Chaperon ont donc fini par convoler en justes noces. D’ailleurs le panneau réalisé par Mélanie Rutten et placé devant l’entrée du Wolf nous avait informés : « C’est ici que le loup dit sa déclaration ». En franchissant la porte en bois d’une maisonnette à sa taille, le visiteur pénètre donc au cœur d’une histoire qu’il croyait connaitre, mais dont il n’avait pas la véritable fin. Avec excitation, mais aussi un peu d’appréhension pour ce qu’il va trouver, il entre dans une cuisine. La table y est dressée et une marmite pleine d’os inquiétants attend les gourmets. Par un escalier, il rejoint la chambre des jeunes mariés où un grand loup gris effrayant dort dans un lit. On s’attend presque à l’entendre ronfler et on n’ose à peine l’approcher de peur de le réveiller. Le linge qui sèche sur un fil, les vêtements dans la penderie et le manteau rouge que le Chaperon a oublié en sortant témoignent d’une félicité conjugale entre le loup et le Chaperon et donc qu’une autre fin était possible pour le conte. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour tous les livres présents sur les étagères ? Au Wolf, tout est possible.

30 artistes-30 œuvres originales

Une nouvelle animation vient de rejoindre le Wolf depuis le mois de décembre. Pour fêter les dix ans de l’établissement, Muriel Limbosch et son équipe ont sollicité 30 artistes déjà exposés dans les lieux, tous issus de l’illustration francophone, pour leur demander de revisiter l’histoire du Chaperon rouge. Tous ont joué le jeu. Certains ont choisi de donner des habits neufs au conte en proposant de nouvelles illustrations, tandis que d’autres ont préféré se pencher sur l’arbre généalogique du Chaperon. Ils lui ont ainsi découvert une tantine congolaise, une autre vivant sur la planète Mars, tout un nouveau réseau familial prétexte à l’invention d’autres histoires. Les œuvres originales de Jeanne Ashbé, Anne Brouillard, Thomas Lavachery, François Place, Rascal, Gaïa Wisniewski, entre autres, ont été placées dans des cadres spécifiquement choisis pour chacune et forment un joyeux patchwork sur les murs de la maisonnette. D’autres artistes ont choisi de s’exprimer directement sur ceux du Wolf. Loup et Chaperon rouge sont donc partout présents, jusque dans les toilettes transformées en lieu de mémoire de l’illustration pour la jeunesse, puisqu’ils abritent des reproductions d’œuvres plus anciennes, à commencer par celles de Gustave Doré.

« Cherche et Trouve »

Le Wolf n’est pas pour autant un musée de l’illustration jeunesse. C’est plutôt un lieu de célébration et de vie du livre pour enfant. Promouvoir la littérature de jeunesse et la lecture suppose de mettre les visiteurs en action et les commissaires de l’exposition l’ont bien compris. Les œuvres des trente artistes ne sont volontairement pas accompagnées de cartels, afin d’encourager le spectateur à les chercher et à les retrouver grâce à un jeu de cartes les reproduisant. Dans la cabane de Freddy le loup, il est également invité à identifier les multiples objets tirés des contes traditionnels : le chaudron de Baba Yaga, la robe couleur de lune de Peau d’âne, les pierres précieuses des Sept Nains…  La boîte aux lettres installée à côté de la porte d’entrée de la maisonnette permet également de déposer des messages destinés au loup et au Chaperon. Certaines missives, accrochées dès l’entrée de la cabane, témoignent de l’implication des spectateurs et de leurs sentiments parfois mitigés, comme ce terrible « Loup, je n’ai même pas peur de toi ». D’autres animations permettent de prolonger la découverte ou la redécouverte des contes, puisque le Wolf propose également des ateliers de découverte de grands auteurs et illustrateurs de jeunesse, d’autres pour découvrir les techniques d’illustration, ou encore des ateliers de mise en voix et en gestes d’albums, et des ateliers d’écriture.

Les 6 000 visiteurs annuels du Wolf témoignent bien de l’engouement des Bruxellois et des visiteurs étrangers pour ce lieu unique en Europe, qui sait si bien faire vivre la littérature jeunesse.

 

       Laurence Le Guen

Cellam-Université de Rennes 2


Pour citer cet article:

Laurence Le Guen, « La Famille de Chaperon s’installe au Wolf », dans L'Exporateur. Carnet de visites, Mar 2024.
URL : https://www.litteraturesmodesdemploi.org/carnet/la-famille-de-chaperon/, page consultée le 29/03/2024.