Carnet de visites
Gustave Doré (1832-1883). L’imaginaire au pouvoir (exposition en ligne)
Musée d’Orsay, Musée des Beaux-Arts du Canada en partenariat avec la Bibliothèque nationale de France (BnF) Commissaire(s): Paul Lang, Edouard Papet et Philippe Kaenel
L’exposition Gustave Doré. L’imaginaire au pouvoir s’est successivement tenue du 18 février au 11 mai 2014, au Musée d’Orsay, et du 12 juin au 14 septembre de la même année, au musée des Beaux-arts du Canada. Sa version en ligne a été réalisée par la Bibliothèque nationale de France, en partenariat avec les deux institutions précitées, également en 2014. Cette exposition en ligne s’inscrit au sein d’une offre plus large dédiée à Gustave Doré proposant de nombreux autres éléments à l’internaute curieux à propos de la vie et de l’œuvre de l’artiste.
L’exposition se divise en deux parties : « L’imaginaire au pouvoir » et « L’œuvre imprimée ». La première d’entre elles dresse un panorama général de la vie et l’œuvre du « plus illustre des illustrateurs ». Elle aborde les différents genres et formats auxquels Doré s’est livré tout au long de sa carrière. Parmi ses thèmes de prédilection, se trouvent bien évidement la religion – il illustra notamment la Sainte Bible en 1866 –, mais aussi la satire, le monde forain, la mort et surtout la littérature, dont il fut l’un des plus emblématiques illustrateurs. à un point tel que certains titres deviennent presque indissociables de leur pendant imagé engendré par Doré. Citons pêle-mêle Les Œuvres de Rabelais, L’Enfer de Dante, Les Contes de Perrault ou encore le Don Quichotte de Cervantes. Au final, quantité de dessins, de caricatures, d’aquarelles, de peintures et de sculptures défilent devant nos yeux. « L’imaginaire au pouvoir » s’attarde aussi sur les grands moments de la vie de Doré, de ses débuts de jeune prodige dans la presse satirique – il avait alors à peine seize ans – à son travail pour le monde de l’édition, en passant par ses voyages (en Espagne et en Angleterre principalement), ou encore à l’impact de la guerre de 1870 sur son œuvre.
Concernant sa présentation, l’exposition se constitue de sobres panneaux successifs où des textes concis sont accompagnés d’une à plusieurs images. Il est important de souligner l’effort fait ici pour la reproduction des illustrations. La possibilité de zoomer sur les images de manière très précise permet d’admirer tous les détails de chaque œuvre et la maestria de Gustave Doré. Cette qualité exceptionnelle des numérisations offre la possibilité de se perdre au sein des traits et des coups de pinceau ou de gouge. Cela constitue un des avantages certains de cette exposition en ligne. En effet, à moins que le visiteur ne soit équipé d’une loupe, aucune exposition physique n’offre une immersion aussi importante, ce qui compense la frustration de ne pas pourvoir admirer les œuvres de visu. Soulignons néanmoins l’absence de vue rotative à 360° des sculptures qui laisse à celles-ci une part de mystère (et l’admirateur de détails sur sa faim).
La seconde partie, « L’œuvre imprimée », suit rigoureusement la même présentation graphique que la première. Elle se consacre, pour sa part, aux dessins et gravures de Gustave Doré, pour la presse satirique dans un premier temps, puis pour le monde de l’édition. Y sont évoqués ses liens avec les personnalités de l’époque, tels Charles Philippon, directeur du Journal pour rire qui offrit à Doré son premier emploi de caricaturiste, l’éditeur Joseph de Bey, avec qui il entama l’illustration de son premier classique (Les Œuvres de François Rabelais en 1854) ou les graveurs François Pennemaker et Héliodore Pisan, capables de transcrire aux mieux son œuvre en estampes. Car, oui, Doré ne gravait pas lui-même ses dessins. Il se servait d’un procédé propre de gravure sur bois dite de teinte. Pour résumer, l’illustrateur peignait sur une plaque de bois et laissait à de talentueux artisans le soin de retranscrire son dessin. Cette deuxième partie évoque également le programme de « bibliothèque idéale illustrée » de Gustave Doré. Il s’agit d’une liste de nombreux chefs-d’œuvre que ce dernier voulait absolument illustrer. Si, au final, ce projet n’a pas entièrement abouti, Doré laisse derrière lui plus de 10 000 dessins réalisés avec la collaboration de plus de 160 graveurs. Ce programme d’illustration des classiques de la littérature, édités en de nombreuses versions luxueuses mais aussi à bon marché permirent à Gustave Doré de laisser une trace dans la culture visuelle mondiale des XXe et XXIe siècles.
Si l’exposition se parcourt plutôt rapidement, elle est loin d’épuiser tout le contenu mis à la disposition de l’internaute par la BnF. Outre cette introduction à la vie et l’œuvre de Gustave Doré, une série de parties plus informatives sont présentes sur le site, avec notamment des albums et une iconographie regroupant les réalisations de l’artiste, des rencontres sous forme de vidéos avec commissaires, conservateur et artistes (les liens présents sur le site de l’exposition sont tous inactifs mais ce contenu est aisément retrouvable sur YouTube), des liens vers les œuvres de Doré sur Gallica ainsi qu’une section intitulée « repères » reprenant biographie, chronologie, glossaire, et bibliographie.
Enfin, la section « arrêt sur … » est probablement l’une des plus intéressantes. Elle contient un ensemble de textes d’époque et d’articles scientifiques écrits par des spécialistes de Doré, à savoir Valérie Sueur-Hermel, Jean-Marc Chatelain (également auteur de préfaces de certaines rééditions d’ouvrages illustrés par Doré et sortis dans le cadre de l’exposition), Philippe Kaenel (commissaire et directeur du catalogue de l’exposition) et Édouard Papet (commissaire de l’exposition). Ce corpus de textes riches et détaillés s’attarde notamment sur la lithographie et la gravure, l’illustration, la peinture et la sculpture de Gustave Doré. Ils permettent à quiconque de poursuivre plus intensément la visite de l’exposition virtuelle par un apport précis et critique. Le tout offrant une meilleure contextualisation de Gustave Doré, son œuvre et son temps.
Pour conclure, notons qu’il existe également une version pour mobiles de l’exposition – plus sommaire mais avec quelques exclusivités. Aussi, pour celle et ceux qui se sentent plus à l’aise avec la langue de Shakespeare, l’exposition est disponible en version anglaise.
KU Leuven – MDRN
Pour citer cet article:
Quentin Nerinckx, « Gustave Doré (1832-1883). L’imaginaire au pouvoir (exposition en ligne) », dans L'Exporateur. Carnet de visites, Feb 2014.
URL : https://www.litteraturesmodesdemploi.org/carnet/gustave-dore-1832-1883-limaginaire-au-pouvoir-exposition-en-ligne/, page consultée le 09/10/2024.