La matérialité à l’ouvrage en bande dessinée

Dans le cadre de l’exposition « Ainsi, Dire » qui se tient jusqu’au 20 janvier 2019 à la Bibliotheca Wittockiana, musée des Arts du Livre et de la Reliure à Bruxelles, le groupe ACME organise  une journée d’étude sur la matérialité de la bande dessinée contemporaine en dialogue avec  les artistes exposés : Éric Lambé, Christophe Poot et Florian Huet.  L’événement sera l’occasion d’un échange approfondi entre recherche et création. 

 

Les discours sur la bande dessinée ont longtemps fait peu de cas des supports sur lesquels elle était imprimée. Entre, grosso modo, la fin du XIXe siècle et les années 1980, la bande dessinée parait essentiellement dans la presse périodique, imprimée sur des objets « jetables » et est susceptible d’être réimprimée sur des supports divers, jusqu’à l’avènement, en contexte franco-belge, de l’album, qui signera une standardisation de son format. Les éditeurs ont dès lors limité l’espace d’expression dévolu à l’auteur aux seules planches et à la couverture – au risque de voir le support réduit au statut d’« emballage ». C’est aussi vis-à-vis de ce statut que se distinguera la mouvance alternative en revendiquant le support matériel et le statut de l’objet comme terrain esthétique ; que ce soit aux États-Unis avec, par exemple, la revue Raw dans les années 1980 ou en Europe francophone, les productions de L’Association, Frémok ou Le Dernier Cri durant les années 1990. L’avènement de la bande dessinée alternative répond en effet simultanément à la volonté de sortir des thématiques, des modes de narration et des esthétiques éprouvées et à un désir repenser la bande dessinée en tant qu’objet. Alors qu’à leurs débuts, les alternatifs se sont d’abord distingués par des collections tranchant avec le tout-venant de la production, ils tendent de plus en plus aujourd’hui à concevoir chaque volume comme un projet unique.

Issus de la mouvance alternative, Florian Huet, Éric Lambé et Christophe Poot témoignent de ces changements. Cette approche globale et cohérente se situe aux antipodes d’une conception du support comme simple « emballage » et considère que la matérialité du livre et son « contenu » restent indissociables : l’ouvrage de bande dessinée affiche dès lors une unité qui relativise la séparation traditionnelle entre texte et paratexte.

Partant de ces considérations sur la transformation du rapport des auteurs au support matériel, la présente journée d’étude aura pour ambition non seulement de resituer les œuvres de Huet, Lambé et Poot au sein de ce contexte historique mais aussi d’interroger le rapport de la bande dessinée alternative tant au fanzine punk agrafé dans l’urgence qu’au livre d’artiste à la reliure cousue main. Il s’agira de donner voix au chapitre aux auteurs mêmes afin de mieux cerner la fabrique de l’ouvrage, et de saisir les enjeux graphiques, narratifs et esthétiques de cette remise en visibilité de la matérialité de l’objet-livre.

Le programme de la journée est téléchargeable ici.