L’Écrivain commissaire

L’écri(c) Abel Poucet vain commissaire

Le 11 mai 2019 à BOZAR

Journée d’études des RIMELL sous la direction de Julie Bawin (Université de Liège), Sofiane Laghouati (Musée Royal de Mariemont & UCL), David Martens (KU Leuven – MDRN).

Avec Marie Darrieussecq, Caroline Lamarche, Emmanuelle Lambert, Jean-Benoît Puech, Camille de Toledo et Dominique de Font-Réault.

 

Julie Bawin, Sofiane Laghouati & David Martens – Introduction

 

Marie Darrieussecq : « Paula Modersohn Becker, cette ex-inconnue »

Répondant : Laurent Demoulin

 

Emmanuelle Lambert : « Apparaître, scintiller et comme renaître »

Répondant : David Martens

 

Dominique de Font-Réault (Musée du Louvre) : « Christine Angot invitée au musée Delacroix. Écriture de soi, écriture de l’autre »

Répondante : Marie-Clémence Régnier

 

Jean-Benoît Puech : « Deux commissaires pour B. Jordane »

Répondant : Jan Baetens

 

Camille de Toledo : « Extension du domaine de l’écriture » 

Répondante : Magali Nachtergael

 

Caroline Lamarche : « Lisières »

Répondant : Sofiane Laghouati

 

Argumentaire

Depuis plusieurs décennies, le monde de l’art est animé par une dynamique consistant à confier aux artistes le rôle de commissaires. On assiste en effet, depuis les années 1960, à un brouillage, non seulement des fonctions auctoriales, mais également des fonctions de l’exposition : d’un côté les commissariats sont confiés à des personnalités qui « signent » voire labellisent leurs expositions ; de l’autre les expositions, subsumant ou non plusieurs œuvres, changent également de statut en prenant valeur d’œuvre d’art totale. Ce relatif brouillage des fonctions conjugue des finalités diverses, allant de l’autopromotion de l’artiste à la pratique appropriationniste.

Bien que les rapports des écrivains avec l’art (Diderot et les Salons au XVIIIe s.) et les institutions muséales soient relativement anciens (Paul Valéry et le projet de Musée de la littérature pour l’exposition internationale de 1937), ces derniers semblent particulièrement sollicités ces deux dernières décennies. D’Alain Robbe-Grillet au Kunstmuseum de Bergen en Norvège à Umberto Eco, Jean-Philippe Toussaint et Philippe Djian au Louvre en passant par Michel Houellebecq au Palais de Tokyo, Jean-Benoît Puech à Paris et à l’Université de Bourgogne ou encore Christine Angot au Musée Delacroix, on ne compte plus les projets consistant à demander à des écrivains de porter un regard neuf sur les collections d’un musée ou à mettre en scène leur univers intime, littéraire et, parfois aussi, artistique, jusqu’au Musée de l’Innocence d’Orhan Pamuk, inauguré à Istanbul en 2012.

Si l’on ne peut ignorer le rôle que jouent, dans cette « vogue », les liens féconds entre art et littérature (incarnés notamment par des artistes comme Sophie Calle ou Edouard Levé), ni omettre l’intérêt croissant que les musées et lieux d’exposition manifestent pour les expositions littéraires, d’autres facteurs permettent d’expliquer l’essor de ce qui apparaît clairement comme une nouvelle figure curatoriale. Étroitement liée au succès des expositions confiées à des artistes plasticiens, cette mode pour les expositions d’écrivains est assurément à mettre sur le compte d’une politique muséale désireuse d’offrir au public de nouvelles et inédites lectures sur le patrimoine.

La notoriété d’une figure publique joue à plein dans la plupart de ces invitations (le fameux name dropping), mais il n’en reste pas moins que ces projets sont investis par les écrivains en fonction d’enjeux propres à leurs champs de compétence et à leurs impératifs respectifs. Ce principe suppose que les écrivains sont perçus, et par conséquent accueillis sur la base de la nature particulière de leur reconnaissance ou de leurs compétences propres. En conséquence, il s’agit de se demander comment cette présence au monde muséal et de l’art est négociée et traitée, par les écrivains aussi bien que par leurs hôtes, et comment aussi elle est reçue et perçue par le public.

Foncièrement, la confluence de ces deux domaines génère une gamme d’orientations possibles qui peuvent donner lieu à des réalisations variées dont il serait opportun d’esquisser les frontières. De l’investissement du monde artistique et des collections muséales ou du monde littéraire, il y a ceux qui sont sollicités pour des projets relatifs à leurs œuvres (littéraires ou plastiques), ceux qui sont invités à opérer un choix au sein de collections muséales, et parfois à faire de l’exposition une œuvre à part entière, dont il conviendra d’étudier la nature et les enjeux. De même, une exposition organisée par un écrivain dans un contexte muséal implique nécessairement un « cadrage » particulier, et par conséquent des compromis, des choix « orientés » et conditionnés.

De Valéry à Houellebecq, quels sont les principaux jalons de cette pratique sur un plan historique ? Quels lieux sollicitent des écrivains ? À quelles fins particulières ? Quelles différences présentent-elles avec les expositions confiées à des artistes plasticiens ? Comment les écrivains négocient-ils leur posture, et plus largement le rapport à leur œuvre, au sein de cet environnement quelque peu étranger à la littérature ? Essaient-ils de rapprocher leur démarche de leur œuvre ou, au contraire, l’en démarquent-ils ? Pourquoi, et selon quels moyens ? Ce sont ces questions, et bien d’autres, qui ont été traitées à l’occasion de cette rencontre à l’occasion de laquelle des universitaires échangeront avec des écrivains qui ont connu des expériences de commissaires, ainsi que des conservateurs et directeurs de lieux d’exposition.

 

Publication

La journée donnera lieu à la publication d’un livre. Coordonné par les trois organisateurs de la rencontre, le livre se présentera comme un ouvrage mixte entre « l’essai académique » et le « documentaire », rassemblant les différentes pistes explorées et les différents propos tenus par les uns et les autres à l’occasion de cette journée.