Expositions

10. Propagande photographique

Exposition référente: La Littérature comme document. Les Écrivains et la culture visuelle autour de 1930

 

La photographie comme documentation sociale, historique et culturelle pendant la dictature fasciste

 

L’Italia fascista in cammino, Istituto Nazionale LUCE, Roma, 1932. Montage des deux couvertures de l’édition italienne et française. (KU Leuven Bibliothèque Centrale)Après avoir pris le pouvoir de façon antidémocratique et violente en 1922, le régime fasciste italien a eu besoin dans les années qui ont suivi de maintenir le pouvoir et de le légitimer en créant une relation directe avec les masses. Pendant les années 1920, le régime communiquait surtout à travers les journaux, mais en 1931, environ 9 millions d’Italiens ne savaient pas lire. Le régime fasciste en vient donc à développer l’utilisation des nouveaux médias de communication de masse. Comme on le trouve écrit dans les directives des services de propagande : « Entre tous les instruments de propagande, il est souhaitable de donner la préférence à ceux qui sont le plus visuels […] étant donné que leur impact est indéniablement le plus important et le plus efficace sur les masses, de sorte que l’usage des photographies devrait être renforcé et multiplié ».[1]

C’est dans ce contexte qu’en 1932, l’institut LUCE publie L’Italia fascista in cammino pour célébrer le dixième anniversaire de la révolution fasciste. Il s’agit d’un volume entièrement illustré de 536 photographies et photomontages, avec un avant-propos signé Mussolini : « les efforts héroïques et les résultats obtenus » par le fascisme, écrit-il, sont « montrés et documentés dans ce volume » pour donner « au monde une vision d’ensemble de ce que le régime des chemises noires a fait dans tous les secteurs d’activités ».

La même année, le régime organise à Rome une grande exposition sur la révolution fasciste. Elle a attiré pendant 2 ans plus de 3 millions et demi de visiteurs. Son architecture innovante et spectaculaire était dominée par des photomontages géants et des milliers de photographies. Dans un article important, Margherita Sarfatti a écrit que cet événement romain n’était pas tant une exposition qu’une « manifestation de la révolution fasciste » qui a rendu la révolution « claire et intelligible » en même temps qu’elle en a constitué une trace et fournit une « preuve ».[2]

Les photographies servaient non seulement à attester et documenter l’histoire de la révolution fasciste et les accomplissements du régime, mais aussi à les rendre « intelligibles », comme Sarfatti l’a souligné. Tout le monde peut comprendre le langage de la photographie, même ceux qui ne savent pas lire. Plus que tout, le fascisme pouvait fournir une image déformée et partielle de la réalité – en jouant de la coupe photographique et de l’habileté de la photo à documenter ses sujets –, en donnant l’illusion qu’il s’agissait d’un fragment de réalité sélectionné et soigneusement photographié. De cette façon, les photos de L’Italia fascista in cammino font émerger le vrai masque trompeur d’une Italie jeune, forte et en bonne santé, d’un pays à l’avant-garde de tous les secteurs de la vie économique et sociale.

 

[1] Cité dans Mimmo Franzinelli et Emanuele Valerio Marino, Il Duce proibito. Le Fotografie di Mussolini che gli italiani non hanno mai visto, Milano, Arnoldo Mondadori, 2003, p. xxi.
[2] Margherita Sarfatti, « Architettura, arte e simbolo alla mostra del Fascismo », in Architettura, 12, 1933, p. 1-17.

 

Pistes bibliographiques
Philip V. Cannistraro, La Fabbrica del consenso: fascismo e mass media, Roma – Bari, Laterza, 1975.
Paolo Murialdi, La Stampa del regime fascista, Roma, Bari, Laterza, 1986.
Jeffrey T. Schnapp, Anno X. La Mostra della Rivoluzione fascista del 1932, Pisa – Roma, Istituti Editoriali e Poligrafici Internazionali, 2003.
Italo Zannier, Fascismo 1922-1943: modi e tecniche di utilizzazione della fotografia al servizio dell’ideologia fascista, Pordenone, Galleria d’arte « Sagittaria », catalogue d’exposition, Centro Iniziative Culturali, Pordenone, 1975.

 

Marco Andreani