Expositions

02. Le Tour du monde en littérature

Exposition référente: La Littérature comme document. Les Écrivains et la culture visuelle autour de 1930

 

À la fois genre littéraire et véritable document d’une époque où « la caravane a conquis le monde »[1], le récit de voyage autour du globe connaît son heure de gloire dans l’entre-deux-guerres

 

« Photographin mit Ermanox-Kamera », Pruni Foto Agenzia, Roma, env. 1930 (Photobibliothek.ch)Parmi les itinéraires les plus fameux – « Grand Tour », route des Indes, route mandarine – le Tour du monde connaît dans les années 1920 un regain d’intérêt. L’expansion coloniale, les moyens de transport toujours plus rapides (train, automobile, paquebot[2], avion), la création d’ouvrages d’art tels que les canaux de Suez (1869) et Panama (1914) et l’organisation de tours du monde à forfait par les agences[3] font naître le désir d’un ailleurs devenu plus accessible.

Si le tour du monde est une pratique, il est également, d’emblée, une matière dans laquelle vient puiser la littérature. Le voyage autour du monde de Thomas Cook[4], inspira probablement à Jules Verne son Tour du monde en quatre-vingts jours (1873)[5]. Dès lors, le rapport entre littérature et voyage s’inverse : c’est désormais le livre qui provoque le départ… Le centenaire de la naissance de Jules Verne dans les années 1920 lance plus que jamais la vogue du tour du monde : nombreux sont ceux qui marchent dans les pas ou tentent de battre le record de Phileas Fogg. L’écrivain Jean Cocteau écrit en 1936 son Tour du monde en quatre-vingts jours[6]; en 1928, c’est un adolescent danois de 15 ans, Palle Huld, qui après avoir participé à un concours en l’honneur du centenaire, remporte un voyage autour du monde, qu’il effectue en quarante-quatre jours. L’aventure et le récit de ce jeune scout[7] semblent avoir inspiré à Hergé le personnage de Tintin[8], qui incarne l’une des figures emblématiques de la période : le grand reporter, qui décrit le monde, en textes et en images, dans les colonnes de la presse.[9]

À côté de ces voyageurs de métier et des touristes – véritables contre-modèles dans la littérature de voyage – de nombreux voyageurs indépendants prennent la route. La photographie représente ainsi Paul Iemerowski, Allemand parti de Berlin en 1927 pour effectuer un tour du monde en dix ans, et qui en trois ans avait déjà parcouru l’Allemagne, les Pays-Bas, la Scandinavie, la Russie et l’Afrique du Nord.[10] Sans chercher à établir de record, au volant de leur voiture et munis de leur appareil photo, Kodak ou Ermanox11, ces voyageurs illustrent tout à fait la soif de connaissance et d’appropriation du monde qui caractérise l’entre-deux-guerres. 

 

[1] Paul Morand, Le Voyage, Paris, Hachette, 1927.
[2] Les croisières autour du monde sont alors très en vogue. Les compagnies les plus fameuses sont, en France, la compagnie des Messageries Maritimes et en Grande-Bretagne la compagnie Blue Funnel.
[3] Le premier tour du monde à forfait a été proposé en 1872 par l’agence Thomas Cook.
[4] Voyage qu’il raconta dans le livre Letters from the Sea and from Foreign Lands : Descriptive of a Tour Round the World, 1873.
[5] Jules Verne, Le Tour du monde en quatre-vingts jours, Paris, Pierre-Jules Hetzel, 1873. Le texte intégral peut être consulté et téléchargé sur la bibliothèque numérique Gallica.
[6] Jean Cocteau, Le Tour du monde en quatre-vingts jours, mon premier voyage, Paris, Gallimard, 1936.
[7] Palle Huld, Le Tour du monde en quarante-quatre jours, 1928.
[8] Voir la photographie de Palle Huld. Pour plus de renseignements, consulter l’article en ligne du quotidien danois Politiken qui organisa le concours de 1928.
[9] La même année, la célèbre reporter française Titaÿna fait paraître à son tour un curieux tour du monde en cargo : Titaÿna, Mon tour du monde, Paris, Louis Querelle éditeur, 1928.
[10] Source : Corriere del Ticino, 9 janvier 1930, sur le site Trotterlink.

 

Pistes bibliographiques 
Marc Martin, « Le voyage du grand reporter, de la fin du XIXème siècle aux années 1930 », Le Temps des Médias, n° 8, 2007/1. Voir résumé.
Lionel Gauthier, « Les premiers tours du monde à forfait. L’exemple de la Société des voyages d’études autour du monde (1878) », Annales de géographie, n° 686, 2012/4, pp. 347-366. 
Sylvain Venayre, Panorama du voyage (1780-1920) : Mots, figures, pratiques, Paris, Les Belles Lettres, 2012. 

 

Maéva Bovio