Carnet de visites

« Lisez-vous le belge ? » (Bruxelles)

MEDAA – Maison européenne des Auteurs et des Autrices (Bruxelles) Commissaire(s): PILEn

 

« Lisez-vous le belge ? », MEDAA – Bruxelles, du 1er juin au 16 juillet 2021

 

Lisez-vous le belge ? est une exposition de taille modeste, présentée à La Maison européenne des Autrices et des Auteurs (MEDAA — Bruxelles), en juin 2021. Mise sur pied dans les couloirs centraux du rez-de-chaussée du bâtiment (qui accueille pour la première fois, depuis son inauguration en mars 2018, une initiative de la sorte), elle fait suite à la campagne de promotion éponyme, orchestrée par le PILEn (Le Partenariat Interprofessionnel du Livre et de l’Édition numérique en Belgique francophone) avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui s’est déroulée lors de l’automne 2020, à destination du grand public wallon et bruxellois.

 

Un ensemble de témoignages hétérogènes

Composée en cinq courtes sections (« La convivialité du livre » ; « La lecture comme refuge » ; « L’évasion par la littérature » ; « Immersion sonore en poésie » ; « Hommage aux lettres belges ») et envisagée comme un parcours poétique et illustré, elle réunit un ensemble de témoignages – écrits ou illustrations –, d’auteurs-trices belges francophones qui avaient été sollicité·e·s en novembre et décembre 2020 pour « chanter le plaisir de la dévoration des pages ». Les artistes à découvrir dans le domaine de l’illustration sont Geneviève Casterman, Geoffrey Delinte, Xan Harotin, Monsieur Iou, Félix Laurent, Annick Masson, Vincent Mathy, Benjamin Monti, Victor Pellet, Lisbeth Renardy, Marine Schneider et Morgane Somville ; tandis que les textes qui y sont présentés proviennent des plumes d’Anna Ayanoglou, Catherine Barsics, Soline de Laveleye, Serge Delaive, Aurélien Dony, Zaïneb Hamdi, Françoise Lison-Leroy, Dominique Maes, Jean-Louis Massot, Camille Pier, Milady Renoir et Jérémie Tholomé. Ce sont ainsi 24 œuvres d’ampleur restreinte et antérieurement commandées qui s’y répondent grâce à une scénographie conçue par Colombine Depaire, conseill@ère en médiation du livre et du numérique via l’agence Picture This! et spécialiste de littérature jeunesse. Exposées sur des panneaux de taille variable et des kakemonos (bannière plus ou moins étroite et verticale, destinée à être déroulée et accrochée au mur), elles se révèlent résolument hétérogènes (et quelque peu inégales), chacune répercutant le ton et l’univers singuliers des auteur·ice·s de même que l’investissement que l’on devine plus ou moins poussé qui a présidé à leur composition.

 

Belge(s) poésie(s) des temps présents

L’enjeu principal de l’exposition est donc de prolonger et de matérialiser en une proposition unitaire la campagne du PILEn qui était articulée autour de ce que peut signifier « lire le belge » aujourd’hui. Sont ainsi célébrés certains lieux-phares de l’imaginaire littéraire (la bibliothèque – autant le meuble que le lieu public –, la librairie, la chambre à coucher ou encore le café), comme chez Victor Pellet, Anna Ayanoglou ou Camille Pier. Aurélien Dony et Jérémie Tholomé évoquent quant à eux leurs panthéons littéraires belges, où l’on retrouve notamment les noms de Hergé, Simenon, Michaux, Marcel Moreau, Laurence Vielle, Liliane Wouters ou encore William Cliff.

Un tiraillement entre deux visions de l’activité d’écriture/lecture s’affirme également à travers l’exposition : oscillant entre une appréhension de celle-ci comme un havre rassérénant, ce que l’illustration de Marie Schneider fait par exemple sensiblement valoir à travers son « livre-tente », et une dynamique d’intranquillisation unanime, comme chez Félix Laurent, Milady Renoir ou Serge Delieve chez qui la poésie est vécue comme le lieu d’un langage intime à agiter (« fore[r] [s]es tréfonds », dit Renoir), et donc avant tout comme celui de la tourmente, des reconfigurations de frontières entre autres identitaires.

Les deux dernières sections se veulent plus interactives et même participatives en ce qu’elles proposent, pour l’une, une immersion sonore (à travers des podcasts) dans la matière poétique des contributions reprises dans l’exposition (lues par une conteuse et un comédien), via des casques mis à disposition, et, pour l’autre, une invitation adressée aux visiteurs et visiteuses à partager, via des étiquettes et post-it, des coups de cœur récents ou de donner suite à des questions (auxquelles certain·e·s auteur·ice·s ont déjà pu répondre) telles que : « Quel est le livre belge qui a changé votre vision ? » ou « Quel est le prochain livre belge que vous auriez envie de lire ? ».

L’ensemble, relativement sommaire mais potentiellement appelé à s’étendre (voir l’appel à textes poétiques et à illustrations), fait néanmoins montre d’une diversité assez enthousiasmante qui bat particulièrement en brèche — en raison du parcours professionnel de la commissaire ? — toute hiérarchie entre les formes poétiques, qu’elles soient textuelles ou visuelles. Et il convient, pour conclure, de souligner la soif de découverte que suscite l’exposition (de laquelle n’a pas été tiré de catalogue), en regard d’un corpus encore trop souvent invisibilisé et qui comporte pourtant, pour reprendre une formule employée par Soline de Laveleye dans sa contribution, nombre de « pages décapantes à avaler cul sec ».

Corentin Lahouste
UCLouvain-RIMELL
 
Commissariat: PILEn 
Scénographie :  Colombine Depaire

Pour citer cet article:

Corentin Lahouste, « « Lisez-vous le belge ? » (Bruxelles) », dans L'Exporateur. Carnet de visites, Apr 2024.
URL : https://www.litteraturesmodesdemploi.org/carnet/lisez-vous-le-belge-bruxelles/, page consultée le 20/04/2024.